mercredi 17 août 2016

Ultra Tour du Haut Giffre, 18 juin 2016, 83km, 6400+ annoncé, Abandon au 55e km, 4500+ et 11h de course,


Arrivé la veille au soir direct après les cours avec Bobby le camion, je m'installe près de l'aire d'arrivée à Samoëns. Le temps est plutôt clément après les nombreuses averses de la semaine. La météo par contre s'annonce compliquée pour le lendemain dès le début d'après-midi avec averses, orages et froid au menu.

Rémy me prévient que le parcours pourrait être modifié voire interrompu. On verra bien.

Pti repas aux ravioles suivi de sa crème chocolat au soja, un must. Prépa du sac et du pti dej, histoire de ne rien laisser au hasard (humm...) et au lit sous la couette !

Samedi 18 juin, réveil à 4h30. La nuit fut plutôt bonne et pas si fraîche, Samoëns n'est qu'à 700m d'altitude. Hop, on enfile les affaires, le café, le muesli et les tartines et on finit par les chaussures... Je ressors pour l'occasion du terrain gras les vieilles Salomon Fellcross avec ses crampons de 7mm. Je les avais essayés dans la semaine après 2 années sans service ou presque...
Au passage, on avait la possibilité de laisser un sac coureur et le récupérer au ravito de Salvagny au 35e km à 40% de la course. J'en ai profité pour préparer un jeu complet de rechange.

5h15, je pars à pied du camion, j'ai 800m à faire jusqu'au départ situé au centre du village, place du gros Tilleul. A ces heures matinales, c'est toujours insolite de croiser tant d'animations et un défilé de couleurs. Un café était offert dans un vrai café, l'occasion de partager avec Roger sa "verveine" du matin et ses commentaires de haut-savoyard : "dommage que je dois aller à la pêche, j'aurais fait le parcours en moto"

Je retrouve les grenoblois, nombreux pour l'occasion, dont Rémy et Christophe, détendu à l'abord de ce trail où l'ambiance générale est tout autant décontractée. Je me sens bien à ma place au milieu de ce peloton, prêt  à attaquer les 83km et 6400m de dénivelée qui nous attendent, une première pour moi. Pas de grand nom du trail au départ, mais une grosse densité de coureur en affûtage pour les rdv de l'été. Un speaker qui fait ce qui peut, et les 6h du matin qui retentissent. Pan, c'est parti.

Pas de précipitation, j'enclenche la stratégie, je suis Christophe, le départ me convient, l'allure, dans la tête et dans les jambes, tout est au vert pour passer une bonne et longue journée, en espérant passer à travers les aléas météos.
Christophe me confirme son planning des 15h, moi je verrai bien jusqu'où je tiens.


C'est parti pour la 1e montée vers le refuge de la Folly d'abord à 1600m puis la combe aux pouaires jusqu'au col à 2200m. 1400m de dénivelé sec sur 6,5 km pour se mettre dans le rythme tranquillement. Ça passe en 1h45 avec une vitesse ascensionnelle de 790 m/h pour une pente moyenne de 22%.

 Une montée efficace dans la forêt sur chemin sec, incroyable. Suivi d'un sentier de montagne comme on les aime. Les sommets se dévoilent au fond de vallées sauvages. La neige arrive rapidement mais sans gêner la progression dans un premier temps...
On passe en 85e position environ après 10km et la 1e bosse.


De l'autre côté du col à 2200m, et après 1400+, se  cache une large combe assez plate avant de plonger sur le lac de la Vogealle entouré des Dents blanches qui culminent à 3000m. Mais surtout ça sent le micro climat, c est gavé de neige encore. Belle ambiance de trail, le soleil pointe son bout de nez, le panorama est magique. Au loin le Cheval Blanc et le Buet dominent le cirque du fer à cheval et ses multiples cascades vers lequel on se dirige.


On passe au refuge de la Vogealle qui a l air bien posé aussi. Je crois que la prochaine destination de raid à ski de rando est toute trouvée.
On retrouve la terre ferme vers 1800m après 1h de neige, glissade et autres chevauchées hivernales. On y laisse des traces même si ça paraît tout mou. Les articulations prennent chères et courir en short dans la neige ça mouille. ..
Ni une ni deux alors que ça serpente court entre rochers et cascade, j y laisse un bâton coincé sous une pierre au détour d un virage, crac ! La poisse, il me reste 5000m de dénivelé avec un seul bâton. .. Je le prends bien. Une course d'entrainement, c'est fait pour ces expériences. Ces bâtons "camp" auront tenu 2 ans...



Objectif amorti maximal, gainage et préservation des genoux et autres parties fragiles pour dérouler le plus librement et en douceur. Et ça marche plutôt bien.

1h12 pour cette 1e longue descente de 1200- entrecoupée d'une bosse de 80m. La partie neigeuse et piégeuse se descend à du 1000m/h alors que la 2e partie, je suis à 1800 m/h.

Le temps défile. On arrive au ravito du Pelly en 4h, 23km et 1 500+ soit 15mn de + que le planning de Christophe... Une 85e place consolidée.
Christophe se plaint de quelques douleurs d'estomac. En même temps, il s enchaîne 4 verres de coca et 4 tranches de saucissons. De mon côté je remplis les bidons et grignote sucré et fruits. Les signaux sont toujours au vert même si ce premier quart de course n'est pas anodin et rien que d'imaginer les 3/4 qui restent, ça fait mal aux jambes. Oui la fatigue arrivera mais le plus tard possible. 


2e bosse, 750m+, pas trop méchant sur le papier mais très pénible sur le terrain. Une piste forestière monotone raide et humide. Un vrai bonheur ! Et une transition radicale par rapport à la 1e section.

C'est ça aussi le trail. En supplément on y mettra une couche bien épaisse de boue après passage du tracteur à débardage, ça fait bosser le mental.
On finit par sortir sur le hameau des praz de commune composé de quelques maisons en pierre d'antan. On retrouve le super panorama avec quelques nuages en plus...  
Ca monte en 1h08 à 660 m/h, en gestion encore, aux côtés de Christophe qui me fait garde fou car c'est toujours un peu frustrant et difficile à calmer les chevaux mais je résiste ! 
On passe au checkpoint, km28, 82e, 2100+ et 5h09 de course.

Il est 11h45 les premières gouttes arrivent avec 15mn mais rien de méchant pour le moment.

La 2e descente nous emmène directement au gros ravito de Salvagny au 35e km avec 800m à descendre sur piste puis sur route. Le tout en 38mn à 1300 m:h pour une pente de 16%. 5 coureurs nous dépassent qui me paraissent ambitieux d'allonger la foulée. De mon côté, ça tape déjà plus fort, surtout sur le bitume, mais rien d'alarmant.

Un nouveau pti coucou à l hélico caméra, ils ont sorti les gros moyens en haute savoie! Ce n'est pas vraiment écolo mais ça fait de belles images. (voir le film ci-dessous)
Instant station de ski authentique de six fer à cheval avec un bon vieux télésiège poma blanc 2 places.

Salvagny est la base vie où on récupère le sac déposé au départ dans lequel j'avais mis toutes les affaires de rechange. Finalement j'avais pas mal séché que ce soit les chaussures ou le t shirt. Du coup je ne change que les chaussettes et je remets mes Fellcross en supposant qu'elles me seront utiles en fin de journée avec la pluie, la boue et la neige encore à venir et traverser.

Et puis c est midi l heure du repas. J essaye de bien manger: soupe, jambon, saucisson, fromage,  fruit et chocolat, manque toujours du bon pain complet sur ces ravitos, bizarre, et puis eau gazeuse et hydratation un max. 10mn.

On repart sous le soleil et une petite chaleur de fond de vallée direction le refuge de Grenairon, appelé aussi l’hôtel du Buet. Un petit sentier serpente le long d'un super canyon. C'est joli mais les ennuis commencent. Alors que Christophe appuie un peu plus dans ce début de montée, je ressens une petite gêne sur le dessus de ma cheville droite, au niveau du haut des lacets. Rien de méchant. Je m'arrête pour vérifier qu'il n'y a rien. Je repars mais ça persiste et je n'aime pas ça. 
Douleur déjà ressenti il y a quelques mois lors des premières sorties avec mes nouvelles chaussures adidas raven. Ça passait avec les minutes et les kms, notamment j'avais pu faire le trail de Paladru de 50km avec et sans problèmes. Et ce n'était pas revenu depuis deux mois.

Bref, je continue mais je ralentis quand même dans un premier temps. Ca monte et ça se gate aussi au niveau du ciel.
On sort de la fôret dans un brouillard à couper au couteau. J'ai un groupe deux épingles au dessus de moi. Physiquement, je me sens encore très frais alors j'y vais et je reviens sur eux et sur Christophe juste avant le col.
Au final, une montée de 1100m sec en 1h43 sur 5,5 km, soit du 645 m/h pour 18% de pente. Ca fait un total de 7h45 de course.
On ne traîne pas à la bascule, ça bruine, et ça se rafraîchit à 1900m d'altitude. Content de redescendre pour une fois à l'abri dans la forêt.

Souci dès le début de la descente, la cheville trinque à chaque foulée, je commence à compenser , ce n'est pas bon mais je me dis encore que ça peut passer avec le temps. Je calme donc le jeu et je laisse filer Christophe puis une dizaine d'autres coureurs. 
La douleur se renforce progressivement jusqu'au bas de la descente, pour atteindre encore en trottinant mais en serrant les dents le ravito de la Cascade du Rouget. On est alors au 48e km avec 3800m de dénivelé avalé mais la moitié uniquement est passée. Il est 15h30. J'ai conscience que la suite s'annonce compliquée voire sabordée.

C'est alors qu'un bénévole m'annonce le changement de parcours au vu des conditions météo. On ne montera pas à 2400m au col Pelouse, Je ne sais pas si c'est vraiment justifié sur le moment mais en tout cas, je me dis que du coup la ligne d'arrivée se rapproche. Le parcours est raccourci de 12-13 km et de 1000 m de dénivelé. Ce qui signifie qui reste 25km et 1500+, ça parait jouable vu comme ça.
Par ailleurs, j'apprends que la course a été neutralisée à ce ravito pendant 1h, le temps de rebaliser, ça sent un peu l'amateur tout ça. La famille de Christophe et de Rémy sont là pour encourager. Rémy fait une grosse course devant.
Je prends du temps pour me soigner, mettre du froid, dire ciao à Christophe, admirer la grosse cascade qui vaut le détour, et repartir.

Aie, c'est plat et je suis quasi à cloche pied, je m'arrete, je marche je repars, je souffle, je regarde les autres passer, j'en rigole presque parce que les conséquences sont peut-être lourdes et pourtant les jambes ne demandent qu'à y aller, et la tête aussi par ailleurs.


Après 1km et demi qui me paraissent interminables, on arrive sur le bas d'une piste rouge de ski et c'est parti pour la remonter. Ca fait moins mal mais mal quand même. 

J'en oublie la stratégie, j’accélère tant pis. Je fais 500m+ en 45mn, soit du 750 m/h, ça sera toujours ça de pris pour l'entrainement, mais je cale à 100m+ du ravito et de la bascule, puisque le terrain s'aplatit et il faudrait courir ... Aussi, la douleur s'est accentué vivement, ce qui confirme qui faut toujours garder un bout de cerveau disponible en trail pour ne pas faire n'importe quoi !

Le doc me trouve de la cortisone, me fait un bandage et me diagnostique une tendinite du jambier antérieur, dû à un mauvais frottement prolongé... 
La pluie fine est maintenant abondante. Les 10h de course sont passées. Physiquement aussi, la fraîcheur n'est plus. Ça sent la fin.

5 derniers km de plat descendant sur piste interminables et je rends mon dossard à la Tête de Roux au km55, avec ce climat automnal et picard.
Je trouve un 4*4 pour me descendre à Samoens, Je retrouve les abandons grenoblois du jour: Michel Cercueil et Guillaume Bernard, mais aussi Rémy arrivé 5e. Autour de la buvette, on debrief et le moral est plutôt bon. Je peux encore marcher :)
Christophe arrive après 13h19 de course avec une 47e place au scratch et une remontée constante. Bravo à toi et content d'en avoir partagé un bout.
A noter 243 finishers sur 330 partant, soit 25% d'abandon

Une bonne douche, un diot polenta qui réchauffe puis une deuxième nuit dans le camion. 

Certes, comme pour le grand raid 73, le bilan est contrasté puisque pour la 2e fois après les Templiers en 2012, le t-shirt "Finisher" ne finira pas dans mon placard, contraint à l'abandon sur blessure. Mais de nombreux points positifs quand même avec un très bon début de course tant au niveau des sensations, que la gestion, le décor et l'ambiance.

Physiquement, les gros morceaux sont maintenant passés, la 2e phase est terminée. Place maintenant à du volume mieux réparti avec des randos trails plus tranquilles mais plus nombreuses, c'est ça qu'est bon!

Mentalement, décontracté, c'est top !

Sur la gestion de course, même si j'ai réussi à me contrôler pour ne pas partir trop vite, je pense que la 3e bosse était trop rapide, en tout cas, trop pour l'ut4m et pour tenir 40h, mais ça sera une autre histoire.

Sur l'alimentation, j'ai bien bu régulièrement et en quantité, j'ai bien mangé, pas tant pendant l'effort mais bien au ravito, il n'a pas fait si chaud ce qui confirme mes meilleurs dispositions dans ces conditions.


Retour à Grenoble et direction les urgences. Confirmation de la tendinite, rien de méchant, du repos forcé mais qui tombe bien au final.


Pour rappel, le topo de la course:

Le Film: