jeudi 25 août 2016

Ut4M Finisher ! 160km, 10000+, 35h55, 31e, 19-20 août 2016




Réveil à 5h du mat. Nuit correcte malgré l'excitation. Douche, toilette (sans succès!), chaussette droite puis gauche, le rituel se met en place. Pti dej' de compet avec un special lait d'amande weetabix banano-myrtille ramassé maison, au sirop d'agave.

L assistance est déjà au top: papa, maman sont dans la place. Trois cabas et la glacière sous le bras. Direction le palais des sports de Grenoble.

20mn plus tard, le jour se lève, un créneau raté, la température monte, les nuages se dégagent. Concentration haletante, appréhension décontractée, calme nervosité. On s'immisce dans une foule de coureurs et d accompagnateurs de plus en plus nombreux.

Je rentre dans le sas de départ. Contrôle du sac par Sebastien Accarier lui même, le directeur de course. Un bonjour et des félicitations à Marie Hélène qui est sur le challenge et a déjà couru l'Oisans et Belledonne depuis deux jours.

Les retrouvailles commencent, Cedric Heilmann est là, concentré et nerveux avec de belles prétentions mais une nuit courte et impossible à trouver le sommeil. Mickael Perrin et son maillot de la Lampre. Après le grand raid 73, on se retrouve tous les 3 de nouveau côte à côte.

Rémy Marcel est fidèle à lui-même avec le sourire et la force tranquille. J'aperçois Michel Cercueil aussi, plus détendu tu meurs. Jonathan Rouquairol la "patate chaude" a pris place aux avants postes et me donne le sourire. Enfin, Thomas Bardou, un collègue pistard routard du club de l'ALE qui vient se gratter au trail sur la section Vercors du jour.
Super ambiance, le décor est posé, ça donne juste envie d'en découdre

5mn du départ. Le speaker fait son show. Mine de rien, ça fait deux mois que je ne me suis pas retrouvé à un départ et ça fait du bien. Instant yoga, respiration, ressourcement et émotion, un départ pas comme les autres.

7h02, 10-9-8-7-6-5-4-3-2-1, au décompte des secondes succèdent les premières foulées dans le parc mistral des 484 coureurs de l'Xtrem 160, des 135 du Challenge 4 jours, des 52 relais, et enfin des 145 du 40km Vercors.

Sous les encouragements relativement nombreux pour l'occasion, je fais signe à mon père, les bras en forme d'avion, prêt à décoller, à prendre mon envol pour un grand voyage.

7h25, la traversée de Grenoble est terminée, les sensations sont correctes, pas de frottement, pas de mauvaise blague des mollets ou des tendons ou je ne sais quoi encore, et surtout un mental au top.
1e montée au départ du château des Voulliants, je sors les bâtons dès les 1e pentes, 1700m de dénivelé quasi sans interruption nous attendent pour commencer.
Christophe Simon (partenaire de Samoens en autre), à fond et passionné comme d'hab, est au bord de la route pour donner la foi à tous les coureurs.

Doublement reconnue cette partie du parcours, j avais fait "ouvreur" il y a deux ans avec Franck Lemasson. Mais surtout, les souvenirs d'aventure, qui continueront à affluer tout au long de ce parcours de l'Ut4M. Le premier donc est celui de cette fameuse traversée intégrale du Vercors réalisée avec steph en octobre 2015 sur 5 jours, en mode rando alpin ultra. Séquence d'autant plus marquant qu'elle marque la prise de conscience d une éventuelle capacité à faire et terminer un ultra trail... A ceci prêt que le sac est plus léger, les pauses plus courtes et surtout les chaussures plus confortables, c'est exactement la même allure, la même progression que je suis en train de suivre.

En chemin, ça commence à échanger quelques paroles. Plus longuement avec un certain Mathieu, un corse. Les points communs ressortent, 1er ultra. Même objectif de temps ou presque. On fait un bout ensemble. Un instant geek: photo, lecture de message d'encouragements (mention spéciale à chloé!) puis tentative avortée de social network!

1h30 plus tard, mes bonnes sensations des entraînements présentes, j'arrive à St Nizier et au tremplin des jeux olympiques de 1968. J'ai 10mn de retard sur mon plan de marche, rien de grave, au contraire, c'est la prudence. 

Mes parents sont là, ça y est, ils sont dans l'ambiance et ont pris conscience de la course. Il y a un côté rassurant à voir tous les autres coureurs "mon fils n'est pas le seul fou" et un côté hallucinant, c'est le premier passage d'une longue série de 12 rencontres ! Pierrick Tavan du club aussi, venu prendre l'ambiance avant son départ le lendemain samedi pour le format 100km.

Première séquence montagne, direction le début de la longue crête et barrière vertigineuse qui domine le Trièves sur 60km. C'est du GR avec un mix single / piste et des passages raidos. On sort définitivement des nuages, le soleil nous éblouit. Je me sens bien, j'accèlère sur la fin, je demande à Mathieu si nos petits chemins grenoblois lui plaisent et lui explique le concept des Xpress au passage. 

J'atteins le sommet du Moucherotte, 1900m, à 10h, en 100e position, après 16km. Petite photo au sommet. Première publication sur Facebook mais aussi dernière. Je rentre dans ma course, je partagerai plus tard, tant pis mais je préfère ainsi vivre mon expérience à 100%. Je ne prendrai quasi aucune photo non plus, pas par manque de temps mais par envie de vivre l'instant présent à fond. Et puis, il y a le suivilive sur le net et surtout mes proches en chair et en os.

Section suivante très sympa qui nous emmène à Lans en Vercors avec les hauts plateaux en toile de fond. Je respecte mes intentions, une descente très relachée, batôns rangés, je me laisse doubler et prends le temps de m'hydrater et m'alimenter correctement, Les 7-8 prochaines heures seront chaudes et dures pour l'organisme. Pas d'erreurs.

Instant très moche, je vois un coureur allongé, tétanisé au bord du chemin, pris en charge par deux autres coureurs. Deux mètres plus loin, je me retourne, je demande " C'est Jonathan?", on me répond "Oui, il a été piqué par une guêpe, ça ne va pas fort". Je me souviens qu'il m'ait raconté à un apéro sa grave allergie. Je le laisse sans qu'il m'est reconnu, dans l'expectative. C'est fini le challenge pour jojo alors qu'il était 3e après deux journées. J'apprendrais plus tard qu'il aura eu 45mn de blackout mais que ça va mieux.

De mon côté, première petite alerte à la chaussure gauche, une gêne des lacets... comme à Samoëns. Je m'arrête de suite, j'enlève, je refais, mais elle reste sans trop de mal non plus. 

L'arrivée sur le stade de neige se fait à grandes enjambées quand même, porté par la foule en masse à ce ravito, facile d'accès. Première assistance en marche, échange de bidons, de barres et de mots bien sur, top !

Deuxième anecdote du périple, trois mois plus tôt, mi-mai, tempête de neige lors de la sortie scolaire avec les 2nd 2 du lycée. Objectif: ramassage de déchets, élèves surmotivés, montée au pas dans le vide en haut de la station, et descente en luge sur le cul. Si eux l'ont fait avec le sourire, moi aussi je dois pouvoir le faire !

Deuxième bosse avec le Pic St Michel, 550m+ en 1h, en compagnie de Mickael et Franck. Je savoure ces moments qui se passent bien, sans difficulté, en balade ou presque. Au sommet, je fais mon guide touristique pour un coureur qui fait un film. Le point de vue est superbe et laisse deviner au loin la suite du parcours. C'est ça l'originalité et la beauté de cette course. En permanence, on peut voir tout le chemin parcouru et tout celui qui reste à faire. Enfin, quand il fait beau ...

S'enchaîne la grosse descente qui est selon moi la difficulté de cette 1e section: 1600- à descendre sur 7km et rejoindre la vallée à St Paul de Varces. Le début est piégeux, escarpé, des cailloux qui partent sous les pieds. Une deuxième alerte avec un dérapage pas vraiment contrôlé. Rapidement, le sentier devient agréable en sous-bois, en terre, ça amortit, bien qu'assez raide. Je trouve mon rythme rapidement à base de petit trot, petites foulées, mais jamais en marchant non plus, doucement ça descend. Je m'attendais à me faire doubler largement et finalement pas tant. 

A St Paul, ça sent bon, j'arrive relâcher et j'en profite pour allonger dans les rues qui nous emmènent à la fontaine et au ravito.
En chemin, mais oui, c'est lui dans son jardin qui met la table pour déjeuner, il est 12h30. J'interpelle Philippe qui me communique toute sa bonne humeur et son expérience. Et si Philippe dit que j'ai fait un bon départ et que je suis bien, alors j'ai le moral qu'est au beau fixe :)

Du monde à ce ravito, beaucoup de tête dans la fontaine, Je me trempe tout le haut du corps. Un peu de saucisson et de fromage et c'est reparti. J'aperçois la maison de Cédric avec une énorme banderole: Allez Papa. Puis c'est Gilles qui fait le signaleur.

Une bosse de 400+ nous sépare de Vif et de la fin de la 1e partie: Vercors. Ca monte raide sur une piste, pas la plus sexy mais abritée en "face" nord. Du coup, encore une fois, j'appuie un peu plus sur les cuissots et dépassent quelques coureurs. C'est bon pour le moral :) Je rejoins de nouveau Mathieu à la bascule. Lui préfère appuyer en descente, alors je laisse partir.

Finalement, je le reprends à l'entrée du village et on passe le checkpoint d'entrée à la base vie ensemble à 13h41 en 80e position. 40km, 2700+ en 6h39, c'est pas pire pour une balade :)
Je suis à 5mn de mes prévisions, c'est énorme. Sans être focalisé sur ma montre, je suis mon plan à merveille et sans forcer, une fraîcheur incroyable, pourvu que ça dure!

Instant cocasse de la course, je m'assois pour un quart d'heure avec mes parents autour d'une table. Je fais mes trucs, tout se passe bien jusqu'au moment où je prendrai bien du melon, oui le melon dans la glacière, je vois alors le visage de ma mère se décomposer dans un mélange de désolation, confusion et humour et dire: "on l'a pas". Tant pis, je vais prendre le jambon: "on l'a pas non plus". Et finir par: "Mais tu l'avais pas dit que c'était pour toi, on a cru que tu nous l'avais préparé, on trouvait ça gentil, on vient de tout manger". J'en rigole aussi, rien de grave, les ravitos sont là pour! Une assistance qui a le mérite de décontracter !
Je ressors du ravito à 13h58, avec 10 places de gagnées!

Au passage, Rémy (Marcel) est passé en 5h15 en 4e position ; Michel en 5h20, 6e; Cédric en 6h, 31e; Franck (Lemasson) en 6h12, 40e ; Rémy (Duperray) en 6h32, 67e; Stephane Badie en 6h42, 84e ; Mickael en 6h45, 95e ; Fred Sanchiarelli en 6h56, 114e ; Gil Trocque en 7h06, 128e ; Brice (d'Endurance Shop) en 9h17, 424e.
Thomas en a fini en 5h48 sur le 40km Vercors en 4e position au scracth et Bastien Abadie (de l'ALE) en 6h40 comme moi sur le challenge.

2e partie: l'Oisans, le Matheysin et le Taillefer, le plus dur sur le papier, trois bosses successives de 1000+ entrecoupées de petites descentes avant une dernière terrible de 1500-. Autant dire qu'on rentre dans une autre histoire de la course.

La première nous mène au col de la Chal avec la difficulté de se dérouler à de basses altitudes, donc chaud, très chaud, on se mouille au maximum. Passage à St Georges de Commiers, qu'évoque de bons souvenirs puisque en 2013, j'avais signé mon premier podium sur une course, certes saucissonesque mais quand même :)

Mathieu revient sur moi au pied de la montée ainsi que deux autres coureurs et c'est ensemble qu'on partagera un bon morceau de cette montée. Ca discute JO, trail, maison et le temps passe vite et bien. 

Ce n'est pas une course comme les autres effectivement. La place aux échanges entre coureurs est bien plus importante qu'ailleurs, on a le temps, ce n'est pas le même rythme. Et puis, quand on parle des objectifs de chacun, on se retrouve toujours avec les mêmes prévisions. Au bout de 7-8h de course, les jeux ne sont pas faits mais les places à peu près, à ceci prêt qu'on peut imaginer un 30-40% d'abandons d'ici la fin. Donc il faut tenir c'est tout. Bien qu'avec Mathieu, on soit une espèce rare de novice sur ce format, on n'a pas à avoir de complexe, on a la même préparation, la même condition, la même mentalité. C'est motivant. C'est rassurant aussi de côtoyer des personnes dans le même esprit, qui ne te prennent pas pour un extraterrestre et au contraire pour qui c'est complétement normal de faire 160 km et 10 000m de dénivelé :)

Fini la balade de santé, les kms, le chrono et le dénivelé commencent à se faire ressentir. Mais je suis encore dans du connu, dans de l'entraînement. C'est long mais ça passe. A 15h50, je suis au col de la Chal, 1200m, avec 4mn d'avance sur le plan :).

Un beau point de vue en chemin nous offre la suite du parcours dont le contournement du Grand Serre, la montée au Pas de la Vache fondu dans le Taillefer, et la station de Chamrousse à la même hauteur mais séparé par la vallée de la Romanche à traverser, enfin Chamechaude au loin !


Laffrey, checkpoint n°4, 52km, 3660m de dénivelé positif cumulé. On arrive encore à deux avec Mathieu à 16h23, 66e. L'assistance est là, cette fois-ci, pas pris au dépourvu, les chaises de camping dépliées, un bon sandwich préparé et un melon de substitution acheté. Cécile a fini sa journée de boulot et commence son ultra à elle de suivi assistance pour les 30h qui restent :)

Laffrey, l'endroit où Rémy dit que la course commence vraiment. Je repars donc concentré et motivé pour assurer la prochaine section sans m'emballer. Elle nous amènera tout doucement vers la nuit et Rioupéroux qui marquera un point important de la course pour moi, celle des 85km et donc de la distance maximale que j'ai déjà couru. Donc gestion, gestion, gestion.

Je rattaque un parcours connu de 12km et 800+, 300-, pour l'avoir balisé il y a deux ans également. Pas le plus excitant mais agréable quand même. Assez roulant au départ, je cours un peu. Puis les discussions de comptoir de trail continuent. C'est l'heure de retrouver Franck Lemasson et le légendaire Korb qui signe sa 4e participation sur l'ut4m en 4 ans. D'autant plus que j'avais lu son récit dans la semaine. Ca déconne dur malgré que Franck est dans le dur. Malheureusement, il ne retrouvera pas son second souffle et s'arrêtera à Rioupéroux.

Je les distance sur une légère descente avant d'attaquer une montée régulière qui se raidit au fur et à mesure. Je garde mon rythme un peu soutenu mais ça revient derrière alors je reste avec. Je fais la connaissance de Fréd Sanchiarelli et Séb qui l'accompagne en relais. Des picards !

Ravito-étape à La Morte et la station de l'Alpe du Grand Serre. Souvenir de telemark cet hiver avec jojo. Toujours dans mon plan de marche. Arrivée à 18h33, 60e. 2h depuis Laffrey qu'ont encore défilé super vite. Les sensations sont toujours bonnes relativement à la durée d'effort. Ce n'est plus la grande fraîcheur, au contraire, les premiers signes de fatigue se font maintenant ressortir. Les jambes s'alourdissent. Cécile me masse. Je m'embrouille dans ce que je mange. J'oublie les bâtons.

Reparti à 18h46, 54e. Deuxième séquence montagne, direction les hauteurs du Taillefer, une vraie merveille, l'altitude montant, les paysages se découvrent. Au lointain, c'est bientôt le Mont Aiguille qui se profile, une pensée à jojo qu'est en bivouac normalement. Le tout plongé, dans les couleurs de fin de journée jaune-orangé qui tirent sur le violet avec l'effet des nuages. Nuages de plus en plus présents mais assez hauts encore.

On prend là un beau petit sentier de montagne en lacets dans du pentu, je ne me sens plus capable de soutenir mon rythme de montée. Donc, gestion, tant qu'on avance, on ne recule pas. Pas d'inquiétudes, la nuit arrive et sera longue. Je laisse filer jusqu'à ce que Fréd et Séb me rattrapent. Je me retrouve à mener le rythme, le mien, qui a l'air de convenir à tous. Kévin LeBronec, coaché par Rémy, a pris place dans le train. Maintenant, le silence s'est imposé, je garde la tête levée pour profiter de ces instants enchanteurs du coucher de soleil en montagne. Chacun est dans son effort perso mais qu'est-ce que ça aide d'être en groupe.

Les 1000+ du Pas de la Vache sont réalisés en 2h. Il est 20h15 au col. Le froid fait son apparition. On est à 2350m. Malgré la beauté des lieux, le lac du Brouffier en contrebas dominé par ce vaste ensemble de falaise et pierrier, je ne m'attarde pas. S'alimenter devient compliqué, les barres ne font plus envie, la poudre énergétique encore moins.

Un coucou aux chasseurs alpins qui mènent la garde toute la nuit. Et c'est parti pour une longue descente. La nuit arrive plus vite que prévu. La combe de l'oursière s'avère ultra casse gueule, je refais une deuxième belle glissade sans gravité, mais qui calme les ardeurs. Enfin, je me décide à sortir la frontale et wahoo le phare. On retrouve une route plate mais oups mauvaise étude de tracé, il reste encore 2km de petites montagnes russes avant le ravito ! 

Lac du Poursollet, 21h35, km76, 5500m+. Dur, le plaisir est toujours là, mais dur. Clairement, la fatigue se fait sentir. La nuit noire est maintenant installée. Heureusement, on est reçu par de charmants gaulois pétillants d'allégresse. Potion magique chaude à base de jus de pomme, miel, cannelle qui réchauffe. C'est le début du régime soupe et pâtes. Cécile et mes parents sont toujours là et me transmettent leur énergie.

J'apprends que Rémy Marcel a abandonné ici quelques heures plus tôt, un gros coup de moins bien. Ca me mets aussi un coup au moral. Puis j'apprends qu'une décision de course a été prise: pas de Grand Colon en Belledonne. Ma lucidité revient un peu. Je pense alors qu'on shunte par le col de la Pra et le lac du Crozet et que ça ne change pas grand chose. Mais déçu quand même de ne pas faire le parcours intégral et original.

Je repars non sans mal 20mn plus tard avec Fréd et Séb, la pause s'imposait. Je suis alors 47e. Cette remontée vient surtout des abandons devant parce que je n'ai vraiment plus l'impression de doubler des gens.
Là aussi, partir en groupe dans la nuit pouvait être bénéfique. Malheureusement, je décroche dès les premières pentes. De nouveau, une partie du parcours mal étudiée, la montée vers le plateau des Lacs est bien plus raide et longue que prévue. Pourtant, je l'avais reconnue ce printemps avec Yves, mais en ski de rando et on venait partir du parking. Du coup, ça paraissait beaucoup plus court et facile, même si les dernières conversions avant le col étaient plus raides. Une pensée aussi au genou qu'il a laissé dans la descente...

Je débouche sur les lacs à la lueur de la lune, pleine pour l'occasion mais en partie cachée ou voilée. C'est l'un des meilleurs souvenirs, une ambiance féerique, je suis seul à présent, on devine les contours du lac fourchu, lac noir, d'un côté et la face nord impressionnante du Taillefer d'un autre côté. Le tout dans un silence ahurissant, j'adore. En plus, c'est plat ou en descente roulante sur 2 km et ça fait du bien, je reprends mon petit trot tout en me laissant doubler par deux trois coureurs plus frais visiblement.

La brève montée sèche jusqu'au pas de l'enviou me rappelle que la seconde ne passe plus. Mais pas d'inquiétude, la première passe, les pieds, les jambes et la tête sont encore en état, dégradés certes mais en état de rouler, et aucune pièce n'a rendu lame, c'est le principal.

La rando nocturne d'altitude continue jusqu'au chalet Barrière. Nouveau checkpoint: il est 23h31, soit 40mn de retard sur mon plan et 50e. C'est une ancienne bergerie réouverte pour l'occasion et l'accueil est chaleureux. A la vue d'un pack de bières, mon cerveau se trouble et je comets le lapsus en en demandant une au lieu d'un coca. La lucidité en a pris un coup. Je commence à me demander si et quand je vais dormir, le besoin s'en fait réellement sentir.

La suite ou l'enchaînement des 10km qui suit est tout simplement la partie la plus dure de tout le parcours: la traversée de la vallée de la Romanche coincée entre deux murs de 1000m!

Je me pose 5mn. Et c'est parti pour la descente en sous-bois, donc terrain plutôt agréable et souple, sur un single de vtt.
Dans la même idée que la plongée depuis le Vercors mais sans doute pas à la même intensité, je contrôle un maximum pour subir un minimum par des petits petits pas mais sans jamais marcher. Petit trot qui avance. Concentré comme un somnambule. Tout en solitaire. Deux petites pauses en route et 1h plus tard, je retrouve la civilisation dans les ruelles de Rioupéroux.

Bonne, non, très bonne surprise, j'ai un coup de mieux, j'arrive à récupérer et me reposer en descente. C'est d'autant plus incroyable que ça ne m'était jamais arrivé autant en trail qu'en rando. Tout est relatif mais je suis décidé à enchaîner sur la grosse montée direct et reporter le sommeil de quelques heures.

00h44 à l'entrée du ravito, 87kms parcourus, 6000m de dénivelé avalé, 14h42 de course depuis le départ et une 47e place (encore des abandons...)
C'est la moitié du parcours, c'est la 2e base vie, c'est ma limite de kms déjà parcouru, c'est la fin du vendredi 19 aout, c'est un tournant de la course que j'avais coché !

Je retrouve Cécile qui est autant fatigué que moi mais qui donne tout pour m'encourager et m'aider pour la suite. Pates, soupes et melon au menu mais le coeur n'est pas à la gastro. Je troque la poudre énergétique contre du sirop de menthe.
Je passe aussi en mode "hiver" en mettant le collant mais je reste en t-shit. La température dans la vallée est bonne, mais là-haut, ça devrait être une autre histoire.

Les poches sous les yeux, c'est reparti ! Il est 1h11, et je sors en 37e position ! J'avais prévu 00h27, 45mn de retard mais ce n'est pas ma préoccupation principale, mon objectif reste de voir le bout du bout :)

Quant aux collègues, Michel est maintenant 5e suite à l'abandon de Rémy, il est passé il y a 4h déjà et sorti à 21h37! Cédric est dans son planning en sortant à 23h07 en 16e position.
Kevin est sorti à 00h52, 32e ; Mickael à 00h53, 34e; Rémy m'a suivi 2mn derrière. Stephane à 1h19, 43e ; Fred et Mathieu à 1h28, 44 et 45e, Gil à 02h08, 56e. Enfin, plus tard, Franck puis Brice passeront mais y laisserons leur dossard.

Le fameux km vertical. Autrement dit, comment gravir 1000m de dénivelé sur 3,5km de distance, soit une pente de 28%, une grosse piste rouge en gros. Je repars seul. J'avais prévu 2h10, ce qui est plutôt lent, donc je pars sur ce rythme sur les 200 premiers mètres de d+, mais j'ai chaud et je fatigue. Bref je suis dans le dur, avec des soupçons cachés de forme.

J'ai alors deux fusées qui me dépassent, en tout cas, ça me donne cette impression. Une des deux est Rémy Duperray, mais l'heure n'est pas à la discussion à ce moment pentu à tous points de vue. Deux épingles plus tard, mon orgueil est piqué au vif. Moment de défaillance du cerveau. Incapacité à calmer les jambes, pan, elles partent devant. Merde, je vais le payer. Je reviens d'abord sur Rémy au bout de 10mn puis sur l'autre, un dossard rouge aussi. Parfois on se fait avoir, ce sont des "relais" qui sont frais comme des gardons. Mais là, non. Je reviens aussi sur lui au prix d'un effort soutenu, un cardio monté dans les tours mais avec des jambes qui se dégourdissent et qui se lâchent enfin ! Peut-être l'entrée dans Belledonne. Il me propose de passer mais je refuse.

Ca sent quand même la fin des ardeurs. A la montre, on n'en est à peine à la moitié. Autrement dit, je n'aurai fait que 250m+ et 20mn dans l'effort ! C'est bon, mon cerveau est revenu avant d'être complètement cramé. Il reprend le contrôle et dit "calmos les guiboles!" Ca eu au moins le bénéfice de casser la monotonie. La suite est un retour progressif dans le dur. Le sentier me semble de plus en plus raide et n'en finit pas. Quelques passages équipés de corde. Je reste à distance de Rémy dont j'aperçois la frontale deux trois épingles plus bas.

Enfin, on sort la tête de l'eau et de la forêt. Fred revient sur moi et on fait un dernier bout de chemin ensemble jusqu'au plateau de l'Arselle. Il est étonnement frais, il a pris une douche et a dormi 10mn à Rioupéroux et en route pour faire une seconde partie très forte.

Checkpoint 6.4 en pleine nuit, il est 03h02 du mat', il fait frais avec l'humidité ambiante du plateau et du ski de fond l'hiver. Un coup de "Lièvre Patineur" et une belle grosse boule de lumière blanche de la station chamrousse nous accueille sous une tente de fortune. J'ai repris 20mn sur mon plan.

Coup de massue, le bénévole m'annonce qu'on ne va plus à la Croix de Chamrousse, ce qui signifie de facto, parcours de repli, pas de Belledonne, pas de montagne ! Aie

C'est l'instant Evelyne Deyliat ou miss meteo de canal au choix : au briefing d'avant course jeudi soir, un spécialiste nous annonce la grosse drash pour la journée du samedi, bonjour les grenouilles, des températures qui baissent, mais un vent qui reste de sud, et surtout pas d'orages en perspective. Tendance confirmée par Caplain, des pluies d'intensité maximale en mi-journée. A priori, les prévisions ont avancé de quelques heures pour les annoncer plutôt en milieu de matinée.

Dans ma feuille de route, tout Belledonne passait avant le petit matin, ça me rend dingue. Que tout le monde doit bifurquer parce tout le monde n'aurait pas pu passer dans de "bonnes" conditions. Perso, ça ne me choquerai pas que les parcours soient adaptés en fonction de chacun. Le premier n'aura même pas reçu une seule goutte de pluie !

En plus c'est le cas, les premiers coureurs sont montés jusqu'à La Croix en aller-retour ou presque, et nous c'est direct la case Recoin. La nuit est pourtant quasi claire et les pluies ne semblent pas pour tout de suite.

Ma seconde raison de "ralerie", c'est que le parcours de repli jusqu'à Freydières, je le connais, et on peut le dire, il est sacrément à chi.... !

Je repars seul à la lueur des lampadaires de la station en laissant le GR des lacs achards de côté. Je suis le balisage, certes bien fait et bien visible. Quoi que, Michael a raté la bifurc, puis s'est retrouvé sur le balisage du 100km du samedi, avant de rejoindre de nouveau le ravito !

Heureusement, à l'intersection où le chemin repart dré dans la piste de ski, un groupe de 10 personnes était là avec des ados, je ne sais pas trop ce qui font à cette heure là !

Le sommeil a laissé la place à l'ennui et au ras le bol, ça devait arriver. Ma Nao commence à me lacher, plus d'éclairage max ! On remonte la piste bleue de l'eterlou puis traversée pour basculer sur le recoin en prenant le tracé d'un téléski !

04h11, ravito et checkpoint de la croix de chamrousse mais non plus à l'arrivée de la telecabine mais déménagé au départ, à la station. Une belle salle calme tout comme les bénévoles, ça fait du bien. Soupe, pates, nouveau t-shirt. Mickael arrive 5mn après, en gueulant, toujours avec sa casquette de cycliste sur la tête, puis réalise que ça dort à l'arrière. Ca fait du bien de retrouver du monde connu et discuter un peu. Je lui propose de repartir ensemble dans 20mn, il est dans un groupe de 3. J'en profite pour m'allonger. Je trouve le sommeil de suite et 15mn plus tard, on vient me taper sur l'épaule. C'est fini la sieste, on repart ! Wahoo, c'est raide mais ça fait du bien. J'ai les idées qui se sont remises en place. Impressionnant !

On sort à 04h45. 17km nous sépare du prochain ravito. Direction le col de l'Aiguille pour basculer sur Casserousse où les énormes travaux de terrassement tournent au plein régime... Fini le ski de rando ici! On récupère le sentier technique et piégeux jusqu'au parking. Puis, c'est que de la piste forestière tout du long en passant par Seiglières, le pont Rajat avant de remonter vers un long plat qui nous amène à Freydières. En tout cas, je suis content d'avoir habité le secteur et savoir où on est parce qu'on tourne dans tous les sens et il n'y a pas de repères.

Il pleut toujours pas. Par flemme de mettre les piles de secours sur la nao, j'ai sorti la 2e frontale de secours. La nuit se termine mais le jour a du mal à arriver.

Physiquement, ça va mieux, les signaux reviennent au vert, un petit trot toujours qui avance toujours, et aucune douleur particulière, que de la fatigue générale qui se gère. J'ai laché Michael. Rémy m'a rejoint et on sort toutes les critiques qu'on peut sur ce parcours, ça fait du bien !

200m avant le ravito, une pluie fine s'abat soudainement, ok. Il est 7h43. Il fait maintenant bien jour et je retrouve ma cecile et mes parents au top après une brève nuit. Il y a un mélange de frustration d'arriver à Freydières : ciao le Grand Colon et Belledonne qui étaient mon passage phare. Mais aussi une saveur heureuse car ça sent bon à présent. Cette nouvelle journée a presque effacé celle d'hier et je me sens serein pour être capable de continuer sur ce rythme doux mais constant jusqu'à la fin.

Avec Rémy, on continue à se lâcher et à tourner en dérision la décision de course. C'est vrai qu'un traileur ne sort jamais sans son parapluie ou dommage qu'il nous ait pas imposé le pantalon de ski et les moon boots. Défaitiste également sur le prochain et dernier sommet : Chamechaude...

On repart à trois avec Rémy et Mathieu qui vient d'arriver. Mathieu nous dit qu'il a du dormir 10mn sur le bord du chemin en pleine nature! Mais il a l'air frais et ça fait plaisir de le revoir depuis Laffrey ! Oulà, que ça paraît loin!

La pluie s'arrête au bout de 5mn. On enlève le pantalon de pluie mais il aura servi! La 3e section se termine aussi par une longue descente, sauf qu'on en fait que la moitié puis par 5km de plat dans la vallée.

L'organisme confirme, il répond bien. J'allonge même la foulée dans le dernier km de descente. Sans doute porté par le rapprochement de la maison.

J'arrive au Versoud et qui s'est que c'est qu'est là: l'ami jojo, que j'avais laissé léthargique sur le sentier du Vercors il y a environ 24h. Sa tête fait plaisir à voir et me donne un peu plus d'énergie. Dans la foulée, c'est autour de mes proches. Cecile sur le vélo va nous accompagner pour cette traversée du Grésivaudan.

Le trio est reformé et c'est parti pour 5 km et 40mn de discussion et de balades champêtres !

Base vie n°3: St Nazaire les Eymes, km126, 8000m+ de dénivelé. Entrée à 10h05, soit 27h de course ! 35e. Je ne change pas un schéma qui gagne, je rempile sur des pates et de la soupe et son verre de St Yorre. Cécile m'offre ses dons de masseuse, ça fait du bien. C'est relativement vide dans la salle, six-sept coureurs max plus les bénévoles et accompagnateurs qui ont également tissés des liens entre eux. La course dans la course ! Ca fait toujours plaisir de voir les parents à fond et légers en même temps.

Chamechaude est définitivement coupé. On s'arrêtera 450m en dessous.

Je check avec Rémy et Mathieu qui n'ont pas fini. De mon côté, pas de bobos et une envie de terminer, je ne m'attarde pas, on prendra une douche de toute façon à l'extérieur.

Je sors à 10h26 et pas manqué, les seaux d'eau se déversent par flots entiers.

Rémy, Mathieu, Stéphane sortent 5mn plus tard et Gil 30mn plus tard. 1h plus tôt, Fréd s'est échappé et remonte 23e. Kévin est sorti 27e quand je suis entré. Cédric continue son rythme effréné, il est passé à 6h30 en 8e position. Plus tôt encore, Michel est passé à 5h et toujours 5e.

A l'annonce jeudi des prévisions pluvieuses, j'en étais presque content en fait. Je suis beaucoup plus performant sous ce temps que sous le soleil, je transpire moins et je ressens beaucoup moins la fatigue. Et puis ça donnait une dimension "warrior" supplémentaire à l'aventure !

Poussé par mon état de forme relativement frais pour l'occasion, je repars fort ! Mais, dès la sortie du village, warning, warning, warning, grosse alerte à la cheville gauche ! Ce n'est pas possible, de nouveau un frottement avec la chaussure et le pli haut de la cheville. Je trouve un arbre pour m'abriter furtivement et enlever direct chaussure, chaussettes et voir les dégats : une plaie à vif fine mais longue de 1 cm est en formation ! Ca me refait le coup de Samoëns, j'y crois pas. De toute façon, je ne vais pas rester là, et avec peu de chance ça va se calmer tout seul avec la pluie et moins frotter dans la montée !

Reco intégrale en avril avec Rémy et Ugo Ferrari, ça fait pousser des ailes :) J'ai mes repères dans la montée jusqu'au col de la Faita, elle passe bien après un passage assez raide. Je suis surpris que ce ne soit pas plus glissant mais ce n'est que le début de la pluie. Je suis surpris aussi de tenir l'allure. A la moitié, je cale un peu mais ça repart.

Toujours personne en vue, pourtant j'ai l'impression d'envoyer ! J'entends des bruits derrière en permanence, des gens ou des batôns qui tapent, mais à chaque fois, rien! Aussi j'entrevois des t-shirts orange ou jaune qui bougent mais ce n'est que le balisage... bref quelques hallucinations de bon matin ou la pluie qui tabasse sur la capuche..

Enfin une vraie personne mais c'est un relais, puis oui, deux sont arrêtés sur le bord du chemin dont un hongrois ! Ce n'est pas très fairplay, je sais, mais ça fait du bien au moral !

Les lacets sont interminables mais touche à leur fin. Je sors au col à 12h30, à 1350m. 2h quand même pour 1100m+ et 7km. Pari gagné, la pointe de douleur s'est évaporé et ne reviendra pas! Ouf

Chamechaude n'étant plus du programme, je crois le Habert de Chamechaude et le prochain ravito juste derrière le col à 2km roulant... Erreur totale, alors que la pluie redevient battante et maintenant avec le froid, on rattaque direct sur 50m+, puis c'est effectivement la descente dans un décor à la Tim Burton, embrumée et mystique dans des herbes hautes de prairie, à ne pas en distinguer à 5m la bergerie de l'Emeindras. Un passage sur piste complètement boueux, comme à la reco d'ailleurs.

Et enfin, un raidillon de 300+ que j'avais complètement oublié. J'en avais rangé les bâtons et comme c'est toujours une logistique d'enfer à enlever le sac avec la veste de pluie qui recouvre le sac, je décide de faire sans. Physiquement, je reprends cher. Le froid trmpé un peu ça va, mais trop, bonjour les dégâts! Alors c'est respiration profonde, sourire nerveux à braver la tempête, salutation au temps de Picardie, puis pas après pas, je gravis, j'avance, je me rapproche de mon objectif.

Le sentier se ré-aplatit et je me force à reprendre mon petit trot, encore plus doucement, mais oui c'est possible et les sensations reviennent comme par magie, trop bien.

Enfin le Habert en vue, cette petite cabane en pierre et chaleureuse avec des bénévoles qui pètent la forme et t'accueille triomphalement, c'est bon ça. La bouteille de Chartreuse verte posée à côté de la St Yorre, mon coeur balance, mais c'est l'heure de l'apéro, il est 13h33, pas celui du digo, dommage :)

Je rentre dans le Habert avec feu de cheminée et soupe servie comme au resto. J'en profite pour me sécher et mettre ma veste et mes gants chauds. Mon syndrome de Raynaud (doigts blancs) n'étant pas loin. Tout aura servi comme ça!

Je vois un coureur atypique passer, Pascal Lillaz, avec sa chemise verte à fleur et son chapeau de paille. Il est super frais et déroule comme un lapin. Il a du bien dormir celui-ci.

10mn plus tard. Au moment de repartir, alors que je pensais avoir fait une petite différence, mais content de le voir, Rémy arrive, il est transit de froid. Je lui souhaite bon courage et à bientôt sur le parcours ou à l'arrivée. Plus question d'abandonner maintenant. Suivi de prêt par Mathieu et Stéphane.

Je suis 31e, le 30e est passé il y a 30mn... Pas de chasse patate aujourd'hui, une course pas comme les autres. Le Habert est à 1600m, soit presque le dernier point haut de la course. Je peux commencer à compter à l'envers, il ne reste plus que 25km, une bosse et 2000m à descendre jusqu'à l'arrivée, quoi déjà ! :)

Donc pas de sommet Chamechaude, on redescend direct à la cabane du Bachasson. 5km et 500- plus tard, agrémenté de 2 bosses complètement inutiles, le tout en sous-bois humide et sur piste boueuse bien sur, le beau petit village du Sappey en Chartreuse se dévoile. Une dernière alerte avec une belle glissade, ni une ni deux, sur les fesses.

Je vis plutôt très bien ces instants, anesthésiés peut-être par l'émotion et le défi en cours, Au détour d'un dernier virage, j'aperçois une recrue supplémentaire dans mes "supporters", et pas la moins importante ni bruyante: la sista, la soeur, la juju. A fond, avec Cécile, elles étaient venus à ma rencontre, le checkpoint du Habert n'ayant pas marché, aucune nouvelle depuis 5h. Le passage de la chemise verte leur avait mise la puce à l'oreille et pas manqué, 15mn plus tard, j'ai débarqué au bout du chemin, au petit trot et avec ma bouille fraiche et heureuse ;)

15h20. La photo des parents et l'entrée dans le ravito. Soupes, pates, St-Yorre-Coca, on ne change rien ! Ju me fait un bandage sur ma cheville pour assurer le coup. Je suis 32e.

15h32, des bisous et c'est reparti, le moral chargé à bloc. Reste 17km et une dernière bosse de 400+ vers le Fort St Eynard qui offre une des plus belles vues sur Grenoble et sur le parcours. Je me fais plaisir en appuyant encore un peu en montée. Je retrouve tout le beau monde en haut. Mon père est ravi, il voulait visiter la région, il est comblé avec 400km parcourus en deux jours !

Cecile et Julie me proposent de m'accompagner pour la descente sur le col de Vence. Je leur demande si elles sont sures car il y a 500m- c'est beaucoup quand même :) Ma soeur en jean et ma cecile en sweat, une équipe qui gagne, c'est parti au petit trot toujours et en dissertant sur la course. Trop bien. L'organisme commence à tirer pour de bon, mais ça ne s'extériorise pas, ça doit être le sentiment d'arrivée :)

17h10. Au col, ça sent de plus en plus bon, François a rejoint le mouvement. Un dernier ravito, un dernier remplissage de bidons, une ou deux pâtes de fruits plus tard, je me pose 4mn sans traîner non plus, c'est la fin.

Rémy et Mathieu débarquent alors accompagnés de Stéphane et Gil. Et on repart tous les 5, direction Grenoble, direction les bulles, direction l'arrivée !

J'avoue, je suis surpris de revoir 4 coureurs d'un coup, presque je me dis merde. Mais après 100m et le début de la dernière pente, on rediscute tous, on refait la course, on partage nos aventures respectives, on se rend compte qu'on a toujours été à 10mn près, les pipelettes sont de sortie, surtout Mathieu :)

L'idée d'arriver tous les 5 au sprint d'abord puis main dans la main fait rapidement son chemin. Moi ça me va, j'ai les cannes peut-être mais quel bonheur de partager cette course du début jusqu'à la fin. J'ai passé toute la Chartreuse seul et je sais ne pas être à l'abri d'un mauvais dernier coup. Alors pas de précipitation, quoi que Mathieu nous met un train d'enfer dans la côte :)

On débouche enfin au pied du Rachais et après 10000m de dénivelé cumulé, on en termine avec les ascensions !

Aïe, la bascule vers la descente fait mal à tout le monde, des pieds de rechange sont demandés par plusieurs. Moi, je reprends mon petit trot et je suis surpris de constater que ça ne suit pas! Ma stratégie de descente a payé. Depuis la première dans le Vercors jusqu'à la dernière maintenant, contrôle et amorti ! Un des points clés de la réussite de cet ultra.

La partie casse cheville passe, puis c'est le début des grands lacets jusqu'à La Bastille. Lieu mythique mais aucune ambiance, aucun intérêt des touristes spectateurs pour l'occasion. Un petit panneau explicatif serait pas mal, car pour nous, dire qu'on est parti hier matin, parcouru 160km à pied, et montrer le tour effectué, personne nous croirait....

Bref, je me répète mais ça sent bon, reste 300m à descendre et 4 km. C'est dingue. Allez, ce ne sont pas les plus simples, passage des escaliers puis de nouveau des lacets, 20 peut-être, avant de déboucher à la hauteur des toits puis le musée dauphinois et la ligne jaune Ut4M à suivre jusqu'à l'arrivée...

En chemin, Thierry Lande, des 3DTrail, et Pierrick Tavan, de l'ALE, nous dépassent pour signer une superbe perf sur le 100km en 9e et 11e position, en 10h47 et 10h49.

Les rues de Grenoble sont .. glauques, tout le monde s'en fout. Pourtant c'est l'heure de l'apéro un samedi soir :) Mais ce n'est pas grave.

On est encore tous les 5 quand on prend la passerelle pour arriver dans le parc Mistral. Dans l'euphorie, dans l'émotion, dans la même détermination qu'au départ, dans le silence, la quête personnelle pour certains, l'exploit pour d'autres ou l'envie d'une bière pour tous, s'achève !

19h. Ce sont les enfants de Rémy en premier qui nous accueillent sur le chemin, suivi de près ma soeur, rayonnante et fière du fréro, et Cécile, ébahi et complice. L'arche d'arrivée nous tend les bras. On se rapproche les uns des autres pour former une belle accolade, une belle équipe et passer ensemble la ligne ! La musique et les applaudissements résonnent, la joie sur tous les visages. Coureurs et accompagnateurs sont ensemble dans le même sentiment d'aventure achevée où le temps s'est arrêté et les kms ont défilé !


De gauche à droite: Stéphane, Gil, Mathieu, Moi, Rémy 

Petit écueil sur l'accueil de l'orga et du public qui n'est pas à la hauteur de l'événement. Mais l'essentiel n'est pas là, ça s'est fait : épopée extraordinaire et défi réalisé !

35h56 de course, 31e ex aequo (je me suis fait bippé l'avant- dernier, du coup 34e officiel :)

Michel finit 5e en 29h24, Cédric a tout donné et finit 7e en 31h06, Fréd a remonté jusque la 20e place en 34h05, Kévin a tenu et termine 29e en 35h12. Mickael 67e en 38h40. Que de champions :)
Bravo aux 283 finishers sur 484 partants, soit 58%. Le dernier étant arrivé dimanche à 11h du mat après 53h de course.

Un grand grand grand merci à mes parents, Cécile, ma soeur et toutes les personnes qui m'ont accompagnées de près ou de loin dans cette aventure et lors de la prépa. Une des clés de la réussite d'un ultra, c'est sûr.

En résumé, je citerai les conseils avisés, et avec un humour certain, de Michel Cercueil la veille du départ et dont j'ai cessé de me répéter et dont je pense avoir réussi à respecter en partie :
"Ah, c'est ton premier ultra, tu verras, c'est le plus facile, il ne faut jamais être dans l'effort"
:)