mercredi 17 août 2016

UT4M J-2

Décision prise au nouvel an, c'est bon, j'y vais, je signe, direction l'ultra trail. Ce sera local et costaud. Sous le doux nom d'Ultra Tour des 4 Massifs se cache une grosse bambée de 170 km et 11000m de dénivelé autour de Grenoble en passant par les 4 massifs qui l'entourent: Vercors, Oisans, Belledonne et Chartreuse dans l'ordre de passage.
Ce qui fait son originalité et toute sa beauté, c'est qu'encore hier en allant faire mon dernier entrainement sous un ciel bleu éclatant, j'ai pu apercevoir l'intégralité du parcours depuis la vallée. Ca donne un petit côté expédition à l'autre bout du monde sauf que c'est à côté de chez soi. Ca donne aussi l'ampleur du défi qui m'attend. Quand déjà il faut 10mn pour survoler les 35 points de passages qui jalonnent le parcours.


Je vais découvrir un format inconnu tant en course à pied qu'en randonnée aventure ++. Après cinq années de pratique régulière de trail et de repousser progressivement les distances et les limites, j'ai envie d'aller au bout et de tester l'ultra. C'est un peu le schéma classique. Mais je n'ai rien à montrer, je le fais pour moi, par passion et pour le plaisir. L'envie de vivre et partager des émotions fortes, fruit d'une longue préparation. Par ce blog, c'est le plaisir d'écrire aussi qui s'exprime. 

Il y a bien le côté physique de l'histoire, ai-je l'endurance pour résister une quarantaine d'heures d'efforts consécutives sans dormir ou presque ? 
Oui, je ne vais pas me cacher, je me sens prêt, la forme est excellente, ça grimpe très bien, ça déroule sans douleur et ça contrôle activement en descente. Mais après ....
La première satisfaction: je vais prendre le départ ! Dossard 38, c'est un signe, j'espère bien l'honorer ! Ce n'était pas gagné d'avance mais déjà franchir le cap de la préparation, je me dis que c'est déjà 50% du chemin parcouru.

Brièvement, ce sont six mois denses et riches en activités réparties en 3 phases. Principalement en course à pied mais pas que. 
1e phase : mars, avril, du rythme, des jambes et du court.   
2e phase : mai, juin: du rythme, des jambes et du long.
3e phase : juillet, aout: du volume et de l’affûtage.

Sportivement, c'est une période très sympa parce que étalé dans le temps, moins de pression finalement. Il y a toujours cette idée dans un coin de la tête qui motive à sortir lorsque le réveil sonne à l'aube le dimanche matin, ou à passer par la case "club" après une grosse journée de boulot.
Surtout, ce que je préfère, c'est les motiv' de 3, 4, 5h ou + , à crapahuter sur les sentiers là où le vent nous mène. Ou plus organisé, à choper le guide de rando et diviser par 2 les temps annoncés. Sinon, les prépa sur openrunner et se dire "mais oui ça passe!" et oui ça permet de voir pas mal de paysages. Accompagné ou seul, les sorties longues ou rando-tail sont les composantes les plus savoureuses dans ce monde brutal du randonneur pressé !

Après, il y a le dossard et les courses que j'aime aussi j'avoue. Pour ressentir ce petit goût piquant de la course, où on mélange des éléments comptables mais appréciables de distance, vitesse, dénivelé, classement. Le tout dans un décor haut en couleurs. Aussi, les courses permettent d'allonger grâce à l'organisation de course, les ravitos, le balisage et d'éventuels secours. Car il ne faut pas oublier que les sorties longues sont souvent des sorties solitaires en montagne et qu'à partir de là, la prise de risques divers et variés est inévitable mais on apprend à la maîtriser comme d'autres activités de montagne.

Dans les faits, ce sont 140 sorties au compteur tout sport confondu en 230 jours en 2016 dont 80 en trail ou running pour 167h, 1300km et 49000m+ ...

3 courses de prépa:
- un premier trail de 45km et 1700+ avec le trail de Paladru en avril, je crois tout simplement que c'est ma meilleure course tant en sensations qu'en gestion, je mets 4h14 et je finis 9e.
Puis deux gros morceaux:
- le premier avec le grand raid 73 à Cruet en Savoie avec 70 km et 4000+: 11h de course. Un départ fort en rythme puis je cale à la bascule de la dernière bosse. Un bon enseignement.
- le second avec le tour du Haut Giffre à Samoëns en Haute-Savoie avec 83km et 6400+, un gros morceau annoncé mais avorté au 55e km après 4300m+ pour cause de tendinite à la cheville. Un deuxième bon enseignement.

Enfin, un été d'activités en continu avec trois sorties ++ pour l'été:
- le premier à LaPlagne avec le tour de Bellecote, 50km et 3500+ en 11h30
- le second en Vanoise mode rando bicouac ultralight, 3jrs avec 100 km et 7500m de dénivelé, 12h par jour et mention spéciale pour le dernier jour avec 16h et un test de la rando de nuit !
- le troisième en Italie, 10h au pied des glaciers du Mont Rose pour 3200+ et 40km, trop beau.

Globalement, j'ai travaillé sur la résistance à l'effort et à la durée et pu ressentir de meilleures sensations sur la fin des courses et des sorties longues, aussi du à des départs plus prudents et donc une meilleure gestion. Je compte bien m'appuyer là dessus et reproduire ce schéma.

Les phases de récup ont été très bonnes aussi. L'enchaînement des sorties s'est faites sans trop de douleurs et lourdeurs dans les jambes. Un été en altitude, c'est toujours ça de pris, et on sent vraiment la différence.

Bien évidemment, c'est bon pour le moral, j'aborde ainsi l'ut4m avec un capital confiance. En tout cas, je n'aurai rien à regretter sur ce point. Merci à Remy pour ce coaching au club et en dehors.

Je peux prendre aussi confiance sur quelques références de beaux et longs périples avec steph, le collègue de "montagne", à ski ou à pieds, dont la traversée intégrale du Vercors à l'automne dernier, 5 jrs de bambées non stop, ou celle encore des 14 2000 des Bauges il y a deux ans en 3 jrs.

Après, est-ce que cela suffira pour reporter au plus loin et supporter la, pardon, les douleurs inévitables dans les jambes. On verra et c'est bien pour cette raison qu'il y a une stratégie à établir.

Dans le côté "physique", il y a aussi un point noir sur lequel on ne peut pas faire grand chose : la blessure. Il y a celle de la chute qui relève plutôt de la malchance, on fera attention. Mais surtout il y a l'autre, celle qui vient de nulle part et frappe à la porte du mollet, du genou ou encore du pied, doucement, lentement puis de plus en plus fort, persistant jusqu'à ...... 

Mais se limiter à l'aspect physique serait bien réducteur. Il faudra courir avec sa tête, pas que pour serrer les dents pour supporter la douleur, mais surtout pour carburer au mental: la gestion de course d'une part et la connaissance de soi d'autre part. Deux composantes essentielles qui ne sont pas suffisantes bien sûr mais absolument nécessaires. 
Alors la stratégie est simple a priori: partir doucement, finir doucement. Mais si j'approfondis un peu. Prendre confiance en montée. Assurer les descentes. Prendre le temps au ravito. M'appuyer sur "mon assistance" et assurer les transitions. Bien m'alimenter et boire. Savoir ralentir, voire s'arrêter un peu ou beaucoup. Suivre le plan mais surtout savoir m'adapter, sans trop cogiter. Etre prêt à être dans le dur, à passer éventuellement deux nuits blanches (ça, c'est un autre entraînement dans lequel j'ai laissé mes années étudiantes s'exprimer :) Rester vigilant et positif. Prendre plaisir. Faire face à l'ennui... 

Dans la gestion de course, il y a cette part de préparation quasi scientifique et mathématique à laquelle j'ai pris plaisir à développer. J'ai ainsi une feuille de route à suivre, un plan de marche qui suffirait à suivre pour réaliser mon défi.
Il tient en 37h30 et renverrait à une vingtième place au scratch. Facile à dire. Ca paraît ambitieux. Le but premier est d'aller chercher le maillot "Finisher". Pour cela, j'ai utilisé le tableau de l'organisation qui repose sur 4 facteurs:
1) la vitesse de départ à plat estimé à 11 km/h (et oui, on va courir un peu dans les rues grenobloises et sans doute plus vite encore)
2) une décroissance linéaire de la vitesse jusqu'à l'arrivée estimée à 6,5 km/h. 
Autrement dit, une diminution de 40% au global, soit 12 % par section (et oui, comme je rabâche à mes élèves, on n'additionne pas les pourcentages... bref)
3) une simple application de la formule: temps = distance / vitesse, pour chaque section. A ceci prêt qu'on ajoute à la distance, l'équivalence suivante : 100m+ = 1km à plat.
Autrement dit, pour la 1e montée des Vouillants au Tremplin de St Nizier, il y a 8,7km et 1020m de dénivelé, soit pour le calcul du temps, une distance de 18,9 km à la vitesse "plat" estimée à 12,25 km/h, soit t = 18,9 / 12,25 = 1,54h = 1h32mn
4) un coefficient d'ajustement soit pour prendre en compte la technicité du terrain, les temps de descentes qui seront plus lents que les temps à plats, ou encore les petits ravitos.

Ainsi la stratégie se traduit numériquement avec des vitesses ascensionnelles autour de 700 m+/h pour le Vercors, 500m+/h pour l'Oisans, 450m+/h pour Belledonne et 400m+ pour la Chartreuse pauses comprises.

Ainsi, la 1e section du Vercors mesure 40km et 2700+, estimé à 6 h35 de course + 15' de ravito, pour un passage à Vif vers 13h30. Des sentiers connus, un sommet Le Moucherotte à 1900m qui offre une vue superbe sur l'ensemble du parcours. J'avais d'ailleurs fait l'ouvreur sur cette 1e partie il y a deux ans, un avant-gout! Puis un début de traversée avec les hauts plateaux au loin. Un col de l'arc et une grosse descente, tout ça a été repéré en entrainement ou en balade. Le retour dans la vallée sera une autre histoire avec de grosse chaleur (pas extrême non plus a priori) et la petite bosse d'Uriol à gérer. Bref, ça doit dérouler.

Une 2e section, l'Oisans, beaucoup plus accidenté, avec un première montée de 1000+ aux heures chaudes mais à l'abri dans les sous-bois. Rémy dit que la course commence à partir d'ici et le ravito de Laffrey après 50km, où j'estime passer à 16h30. On enchaîne sur une section que j'avais balisé il y a deux ans aussi donc bien connu et pas de souci en perspective j'espère.
Je devrais y retrouver "mon assistance" pour passer en mode soirée! On attaque alors la 2e partie haute montagne pour grimper à 2400m et la bascule au pas de la Vache vers 20h30. Un coucher de soleil dans la descente vers le lac du Poursollet, très bien exposée :) 
Ensuite vient la nuit et d'autres grosses difficultés, une traversée tourbière que je crains un peu avec des appuis compliqués. Je ne suis venu que deux fois dans ce secteur dont une fois à ski en mai dernier où mon collègue du jour, Yves, y avait laissé un genou...
Après, c'est le gros enchaînement terrible: Grosse descente d'abord jusqu'à la base vie de Rioupéroux et la fin de la 2e section. Estimé à minuit, je pense ou j'espère être encore bien et lucide à la mi-course. Avoir été dans la retenue et le contrôle. Sinon, j'aurai déjà adapté. Dans tous les cas, je ne courrais pas après le chrono. Base vie = Repas chaud, je devrais y passer pas mal de temps.

3e section: Belledonne ma bien aimée. Même si c'est un massif qui fait peur par son profil, j'ai un coup de coeur pour celui-ci, j'y ai vécu, il promet des émotions fortes et je suis content finalement d'y passer la nuit même si du coup les paysages sont différents, on regarde les lumières de la villes. Côté parcours, ça débute par un kilomètre vertical, rien que ça, puis encore 700m+ jusqu'à la Croix de Chamrousse. S'ensuit des sentiers de montagne jusqu'au Grand Colon pour le lever du soleil, le sommet n°1 au nombre de fois où je suis passé... Et le début d'une longue longue descente de 16km et 2000- jusqu'à la vallée et la fin de la section à St Nazaire. Une vague estimation me dit 10h du mat' !

4e et dernière: la Chartreuse et Chamechaude, la classique! Une journée entière au programme! Rien à dire à mon avis à part mettre un pied devant l'autre tout en gardant un maximum de contrôle. Objectif (secondaire), arriver avant la nuit ! 20h30 serait géniale pour se mettre à table et boire l'apéro !

J'ai la course en tête et dans les jambes, il n'y a plus qu'à mais entre l'imaginer et le faire, il n'y a qu'un grand pas, celui de l'ultra trail.

Enfin, dernière partie de la préparation, le sac et l'assistance, toute une aventure à lui tout seul. Un résumé en images:

Bonne chance à tous et vivement le départ !

Pour les motivés, il y a un suivi live ici:
http://chrono.geofp.com/ut4m2016 sur smartphone ou tablette

Le côté geek du trail, j'ai encore un peu de mal à l'assumer mais c'est sympa, alors je vous ferai peut-être partager quelques émotions ici et là et recevoir des messages est vraiment encourageant. Via ce blog ou facebook en direct.

Le détail du parcours est ici:

Mes temps de passages sur fond de carte sont là: