mardi 17 juillet 2018

Chronique d'une explosion en plein vol d'un long courrier "bellissimo" avec arrivage à bon port

Du "retour aux affaires bucoliques et compétitives", on ne retiendra que le "bucolique" pour ma première session de trail long 2018. Cette "Skyrace de Montgenèvre" fut vraiment magnifique dans des paysages grandioses et variés mais ces Championnats de France fut une belle déception.

Le trajet Grenoble - Montgenèvre via la vallée de la Romanche, le col du Lauteret et Briançon met déjà bien dans l'ambiance. Les Ecrins, ses glaciers, la Meije resplendissent à travers la large vitre panoramique de Bobby le camion, qui m'emmène doucement vers cette aventure avec la musique à fond. C'est parti.

Arrivé à 19h, le Chaberton s'impose juste derrière, wahoo c'est beau et c'est haut. Le temps de récupérer le dossard, choper un spot calé à 50m du départ et poser le camion pour passer la soirée, on sera quatre ou cinq à avoir la même idée. C'est toujours drôle cette ambiance trail coloré et minutieuse qui côtoie les familles en vacances étonnés et détendus. On se rate de peu avec les collègues qui dorment à l’hôtel ou en famille.

Fin des préparatifs, je redessine le profil avec les temps de passage sur le dossard, et je réalise une dernière fois que c'est un peu plus engagé que mes attentes initiales qui étaient plutôt la recherche de beaux parcours à la journée, de 7 - 8 heures, sur lequel j'espérais maintenir un certain niveau d'efforts...
Bref, encore une fois, je me remémore l'intérêt d'une bonne gestion et d'une intensité à contrôler... 

22h, dodo, 23h, pan! feu d'artifice du 13 juillet, je m'y attendais mais bon ça vibre fort dans tout le camion, je n'arrivais pas à dormir de toute façon, au final, ça me berce et je m'endors pour une bonne nuit.

5h, le réveil sonne, j'entends que ça bouge à l'extérieur, le jour s'amorce, c'est parti pour le pti dej, mettre un short et aller sur la ligne. Ca ne semble pas bien long et compliqué mais le temps passe et je me retrouve à la bourre à me dépêcher à boire mon café, manger mon muesli du sportif, zapper la case WC..., oublier le dossard...
5h50, je rentre dans le sas réservé "France" derrière les élites mais il est bondé, je n'arrive pas à trouver Jean, Alain, Nadège et Guy qui étaient devant. Pas de photos du coup... ni d'échauffement et étirement. Je m'en veux alors que je suis plutôt matinal et que je n'étais pas à une demi-heure près. Mais je relativise, je me sens quand même bien détendu et décontracté avec une certaine expérience derrière moi sur laquelle compter un peu !
6h: Montgenèvre, 1800m. Départ. Ca s'étire rapidement, il y a du monde devant, une grosse centaine de coureurs, avec la densité comme prévu, c'est affûté, les marcels de clubs sont de sortie, ça met dans l'ambiance, impressionnant !
Je retrouve rapidement Alain et ça fait plaisir de discuter, il a l'air bien et détendu aussi pour attaquer cette longue journée. Même chose avec Guy, quelques centaines de mètres plus loin. On échange sur les difficultés du jour et notamment "Chaude Maison" qui semble être le gros morceau sur le papier.

De mon coté, les sensations sont bonnes sur ces premiers kms montant tranquillement, je ne force pas, je prends mon allure et je remonte doucement le fil des coureurs. 
1e diversion, sur un premier lacet, je me mets à reprendre avec ma voix de "relou" un coureur qui coupe droit le virage, et lui sors un discours sur l'érosion, l'image des traileurs, forcément il le prend mal, mais ça se calme vite et on discute posément. Je l'entendis plus tard faire des remarques aux autres :). En vain par ailleurs, le sentier devient vite très mal tracé et balisé, ça passe de partout. Petit bémol quand même pour le territoire et l'orga.
Je me recentre sur ma montée, qui se passe bien, on est en file indienne, j'appuie un peu, je double un peu ... pourquoi ? pour gagner quoi ? 5 minutes ? pour me placer ? Je me laisse sans doute emporter par le niveau autour du moi.

7h, 2600m, km6, Col du Chaberton, ça souffle un peu, il fait frais, je remonte les manchettes et sors même les gants en prévention, le soleil se découvre, c'est un peu nuageux mais c'est parfait comme condition de course, et ça laisse des perspectives et des points de vue sur les Ecrins, les Cerces, la haute montagne. 
On attaque la montée finale dans le Chaberton , qui, simplement, passe dré dans le pentu et dans le pierrier. Les 30% de pente y sont, l'altitude grimpe, on dépasse les 3000m. Ca devient un peu n'importe quoi, ça glisse, ça met les mains pour les courageux qui n'ont pas de bâtons! et ça se croise à toute allure avec les premiers qui descendent.
7h23, Sommet du Chaberton, 3050m, 85e, les sensations sont toujours très bonnes, ça monte vite, du 1500+/h..., 550d+ en 23mn sur 1,5 km, ça monte sans doute trop vite ... On fera pas la visite de l'ancien fort installé sur la plateforme au sommet, impressionnant, haut lieu d'histoire franco-italienne.
Je bois bien et je m'alimente un peu, photos, rangement des bâtons et c'est reparti pour 1800m de dénivelé à descendre ! Stratégie cool en tête, je suis le premier à prendre les lacets pour descendre (!)
Je croise Jean à la montée, qui semble très bien, puis Alain et Guy à la descente, qui semblent aussi être allé assez vite ...
A un moment, je prend aussi l'option droit dans le pierrier qui en fait descend très bien en amorti et en glissade. Je repasse au col en 12 minutes, soit du 3000-/h !

Bienvenuti en Italia, la descente est très roulante sur sentier puis sur piste. Impressionnant, la neige a complétement fondue, juste un petit névé à traverser. Pour une fois, on n'a peut-être eu plus de neige à Grenoble que dans le Queyras :) 
Pan, ni une ni deux, je me retrouve à terre en roulé-boulé, pas de bobos à signaler, juste de la poussière sur le marcel, les épaules et un coudre légèrement égratigné, mais surtout une petite alerte.
Je reprends ma descente à mon rythme où je me fais doublé par des petites bombes qui lâchent les chevaux au masculin comme au féminin. Je me dis que chacun gère comme il veut, mais sans doute que j'accélère aussi inconsciemment.
Le Chaberton
8h05: J'atteins le 1er ravito de Pra Claud à 1600m, km 16, avec 35 minutes d'avance sur mes prévisions. Je suis content de cette 1e partie et prêt à passer en mode gestion sur les 4-5 prochaines heures en conservant un minimum d'intensité de course. Je partage quelques foulées avec un coureur du Sarlat Dordogne Athlé, qui partage aussi le sentiment que la course sera longue et qu'à ce rythme on ramassera un grand nombre de coureurs sur la fin ... Quelle drôle d'idée.

La traversée de la vallée italienne jusqu'à Cesana est agréable en sous-bois, quelques relances qui commencent à se faire sentir dans les jambes, la chaleur qui augmente mais qui reste raisonnable, des pensées positives et du plaisir d'être là, prêt à aborder sereinement la suite. Le coureur que j'avais repris sur l'érosion des sentiers, me reprend sur une courte montée, échange deux mots sur le carnage du sentier du Chaberton, et me dépose... Comme une dizaine d'autres coureurs par ailleurs, ce qui commence à m'alerter un peu quand même.

8h47, Cesana, km 24, 1750m de dénivelé positif et 2200m négatif dans les jambes, ce qui fait du 8,7 km/h de moyenne, ça me va bien, au vu d'une 1e montée rythmé, d'une descente plus roulante et d'une transition moins bosselée que prévue. Je ne pense pas être parti trop vite à ce moment là mais plutôt que je me sens prêt à commencer un nouveau marathon avec 3000m+ jusqu'à l'arrivée.
Il y a du monde à ce ravito, facile d'accès juste derrière le col de Montgenèvre, je me ravitaille normalement en boisson et en nourriture et repars assez rapidement parce que je n'ai rien à y faire de spécial, ni le besoin de me poser.
J'apprendrai plus tard que Alain et Guy ont abandonné à ce checkpoint, en cause, de grosses défaillances pour eux aussi, et ce ne sont pas les seuls. Après un passage sous un bon vieux télésiège Poma 2 places et une pensée pour Simon, on laisse pour la 1e fois un coureur sur le bord du chemin, arrêté.

Après quelques kilomètres montants et roulants où le mode "gestion" commence à s'installer et tourne progressivement en mode "footing tranquilou" "moindre effort" "économie" "fini les relances". Je ne le sens plus, je pense à la suite, qu'une scène imprévue pourrait s'inviter au bon déroulé du scénario imaginé, avec aussi quelques crampes d'estomac...

On prend un virage à droite, les bâtons ressortent et la 2e montée sérieuse de la journée s'amorce. Direction le col de Bousson, 800m plus haut. Je décide de remettre de l'intensité au pied de cette montée, en pensant que ça va me remettre sur le bon chemin, en avançant d'un bon pas sans me mettre dans le rouge non plus, voire reprendre quelques coureurs et un peu de confiance. 
Ca dure quelques minutes puis je me fais déposer une première fois par une féminine Je me calme donc rapidement pour trouver un train qui convient mieux, je passe un bout de temps avec un réunionnais, venu avec une délégation importante.
Il me dit que c'est bien différents des chemins de la Réunion où il y a beaucoup plus de marches et puis qu'ils n'ont pas l'habitude des "piquets". Hein? Ah! Des bâtons! Et oui, effectivement c'est interdit, à la diagonale des fous et dans tout le parc. Je ne suis pas un acharné des bâtons mais ça aide quand même beaucoup, donc respect à eux. 

La montée en altitude s'accompagne des paysages queyrassiens, dans une ambiance de pinède puis de mélèzes avant de ressortir sur les alpages verdoyants et tout en fleurs. Malheureusement elle s'accompagne aussi d'un passage difficile qui se confirme, où le mode gestion fait mal et ce n'est pas normal, sans comprendre vraiment ce qui se passe, sauf que j'ai un mal de ventre qui me bloque mon énergie. 
Comme je ne veux pas forcer maintenant, je ralentis, je profite du moment et ça ira mieux après. Je lâche le gars de la Réunion et je me fais rattraper et déposer petit à petit. 

10h10, refuge Mautino, ravito, km31, 2100m, 117e. Enfin! Il s'est fait attendre celui-là. Un stop mérité de plusieurs minutes, séché sur mon banc, à boire et manger ce qui passe, c'est à dire pas grand chose.
Deux bonnes douzaines de coureurs me dépassent mais c'est pas grave (sauf pour le moral).
Je repense bien sur à mon manque de sérieux dans ma prépa, mais ça ne devait pas se faire ressentir aussi tôt. La théorie du "Jour Sans" peut-être mais c'est bizarre.

Je repars quand même avec un minimum d'énergie, de combativité encore, et un maximum d'envie de me faire plaisir. La traversée jusqu'au col Bousson est magnifique, puis la descente sur la vallée des Fonts de Cervières, idem.  
Je repère alors un sac bleu salomon qui a l'air de traîner la patte comme moi. Cyniquement, je vois enfin quelqu'un dans le dur et ça fait du bien au moral :)
On bascule presque ensemble dans la descente. J'ai le bonheur de ressentir, si ce n'est des grandes enjambées, au moins, un déroulé correct, sans avoir deux poteaux à déplacer, un mal de ventre qui me laisse un peu tranquille, l'espoir que ça repart. 
On croise pas mal de randonneurs et on reçoit des encouragements de part et d'autres.

Nouveau coup de massue au pied de cette courte et belle descente, j'entrevois un coureur qui marche sur du plat, c'est pas bon. Il se trouve que c'est Jean qui me raconte qu'il est tombé 3 fois et qu'il a mal aux côtes. Effectivement, il me dira le lendemain qu'il en avait une ou deux de déplacées. L’aventure s'arrêtera là pour lui.
Apprenant ça, c'en est fini pour un hypothétique bon classement du club et du mien par la même occasion. Je décide clairement de changer d'optique et de passer maintenant au mode "Rando Course", il me reste trois bosses, de toute façon, elles seront dures, donc autant le faire à la cool, chercher le plaisir et profiter, et laisser la compét de côté.

10h50, le Bourget dans la vallée des Fonts, 1850m, km 36,  2700+ et 2700-, la moitié (seulement) est passée. Moins de 5h de course, c'est mieux que mes estimations et je n'ai pas tant perdu, une quinzaine de minutes, sur le coup de moins bien.
Je ne peux pas dire que les clignotants sont revenus au vert mais avant d'attaquer Chaude Maison, je suis encore serein et détendu, concerné par la course, avec le sourire et les yeux tournés vers les cimes.

Cette vallée qui me renvoie en 2012 vers mes premières traces de ski de rando et mon premier raid avec l'UCPA, pour un tour de Rochebrune sur 3 jrs en boucle depuis Cervières. Avec au menu en commun avec le trail du jour, le col Perdu (+ le pic de l'Agnelin) et col de l'Izoard pour le J1, et après une nuit au Fonts, en J3, un retour sur Cervières très sauvage avec une bonne bavante déjà à l'époque... par le col de Chaude Maison.
Autre allusion qui me donne la patate et qui concerne le proche avenir, c'est le passage par cette vallée pour notre traversée des alpes françaises en VTT du Léman à la Méditerranée prévu cet été en 15 jrs. Ca donne envie.

Bref, c'est avec plein de motivation que je me retrouve .... sur du goudron en faux plat montant sous un petit cagnard, à courir, qui s'enchaîne sur un chemin. Je trottine ces 4 kms, qui me font un mal fou !
Et allez les bâtons, c'est reparti pour la 3e montée: 900m à gravir. Un début en épingle en forêt dans un raidard. J'adopte la même attitude que d'habitude qui me réussit, à savoir petit pas, grand pas, régulier, poussée 1-2 alterné les 2. Mais force est de constater que ça ne suit pas, je le sens direct, dès les premiers mètres, ça va être compliqué. Je regarde en arrière à chaque épingle, ce n'est pas le meilleur signe. Ca s'est d'ailleurs un peu stabilisé sur les positions, on m'a peu doublé depuis que j'ai repris un peu de poil de la bête.
Mais ça s'arrête là, c'est d'abord le réunionnais qui me reprend, que j'avais du redoubler au dernier ravito, toujours aussi tranquille et "sans forcer" on dirait. 
Rapidement, on atteint un petit passage cablé qui aura raison de moi, ou en tout cas, qui m'imposera ma 1e pause au bord du chemin... Je m'allonge 2 minutes en espérant récupérer rapidement de l'énergie et avant que je me mette dans le rouge surtout. Je me force à manger, je dégaine la compote qui va bien, mais qui passera mal aussi. Bref, je ne sais pas encore trop où j'en suis mais ce nouveau coup de bambou fait du mal, au moral surtout.
Je repars alors au ralenti et c'est le défilé des coureurs qui reprend. Même si c'est anecdotique, ça révèle quand même les difficultés. A la sortie de la forêt, une première muraille s'élève devant, avec une petite cascade au milieu, et un chemin qui serpente et sors tout en haut. Enfin, ça parait haut et loin dans ma lucidité du moment. 
J'en ai presque le sourire tellement je n'avance pas et je me mets un objectif à atteindre le prochain virage à chaque virage...
12h10: quelque part dans la montagne, 2300m, km41, 3200+, 2800-. 2e arrêt allongé au bord du chemin. Longue pause nécessaire de 10 minutes, un quart d'heure. Je ferme les yeux et me ressource au mieux. J'ouvre les yeux et j'ai un paysage merveilleux devant moi. J'ai le plaisir d'être là, je ne suis pas à l'agonie non plus,  j'explose complet c'est tout, faut relativiser. Et puis, je suis quand même bien posé à faire une sieste en montagne. C'est ma première en trail. Quoi que...

Souvenir, souvenir, qui commencent à dater et dont je pensais que c'était derrière moi, ce que je qualifiais d'erreur de "débutants" ou de manque d'expérience. Mais ça me rappelle inexorablement des sensations de la 6000D, de l'Ice Trail, de la Maxi-race, de la fin du Grand Raid 73. Bref, ça me rappelle beaucoup trop de choses qui semblent appartenir à la famille du trail long d'une durée supérieure à 10h. En tirer des conclusions hâtives me semblent pas opportuns, mais c'est justement sur ce genre d'aventure - course que j'eus espéré progresser...

Je me relève après avoir vu une cinquantaine de coureurs et j'atteins péniblement le haut de la cascade. Se découvre alors un plateau avec des lacs et des randonneurs qui se baignent. On n'est qu'à 2400m et il reste 450m+ jusqu'au col. Je profite quand même de ce replat pour respirer, retrouver un pas régulier et attaquer ce qu'on peut appeler "un mur", pas long mais bien bien raide. Forcément ça me sèche mais j'ai l'occasion d'échanger quelques mots avec un coureur qui "râle" que c'est un parcours vraiment trop "Montagne " et pas roulant pour un championnat de France. Moi ça me change les idées d'entendre ça et le temps passe même si le jus n'est pas là.
Ca serait trop facile si le col était là. Nouveau décor, un bon pierrier pour finir. On est nombreux et proche les uns des autres encore.  J'arrive enfin à prendre un rythme et suivre du monde. Je recroise le sac bleu salomon arrêté le long du chemin, ça sert à rien mais ça soulage. Je m'hydrate et m'alimente comme je peux. 

13h: Col de Chaude Maison, 2800m, km44, 3700+, 2800-. Yes, c'est trop beau. J'y suis. Je ne sais pas ce qui m'attend mais ça c'est fait et c'est bon. Je bascule dans la descente de 750- avec 3 autres coureurs. Annoncé comme très technique, en fait, c'est un pierrier assez raide mais qui déroule avec des petits pas, et comme bizarrement les jambes répondent en descente. Le mal de bide est toujours là mais ne gêne pas donc ça se passe plutôt bien et correctement et ça fait du bien.
La suite dans des prairies puis retour en forêt

13h40: Vallon du Blétonnet, 2050m, km 46, 3700+, 3550-. Dans cette histoire, j'avais estimé à 13h15 le passage, donc ce n'est pas si pire, mais ça fait quand même 2h50 pour 10km. Je suis vraiment pas focalisé sur le chrono surtout que la suite a des chances d'être perturbée également ...

Rafraîchissement dans le torrent, et sans répit, c'est reparti pour le col Perdu, 400m+, une baguatelle... Les bonnes sensations de la descente ne se répercute définitivement pas en montée, je reprends mon rythme escargot. Je fais un détour derrière un rocher espérant trouver la délivrance, mais que néni, tant pis. Des impressions ou une réalité devant moi, je ne sais pas, mais il y a un nouveau mur en herbe à passer, ça paraît court mais interminable.
Je comprends mieux la solitude de pierrot sur son vélo dans l'ascension des cols, de chassou pour en finir avec son marathon. Je pense aussi à cessou qui parfois sur ses peaux de phoque donne tout pour avancer un ski après l'autre, doucement mais surement, et atteindre le sommet. Je leur tire mon chapeau et je "compatis" en ce moment même :) 
En haut du mur, évidemment, ce n'est pas fini, il y en a un dernier jusqu'au col. Le sac bleu qui m'avait redoublé est de nouveau sur le côté. Je l'imite 10 mètres derrière soulagé et sans scrupules de refaire une pause allongée 100m sous le col. Sauf que le sac bleu repart direct alors je lui dis qu'il ne peut pas me faire ça, on rigole, il repart, je me rallonge !

14h30: Col Perdu, 2450m, km50 4200+, 3700-. 14h40: col de l'Izoard, 2360m, dernier gros ravito. Beaucoup de monde. Retour à la civilisation avec la route, les vélos, les motards, mais c'est magnifique encore comme vallon avec vue plongeante sur les Ecrins.
Rangement des bâtons. Je m'appuie lourdement sur la table du ravito, les secours me demandent si ça va, je leur réponds que j'ai connu des jours meilleurs. On m'annonce 16 km de l'arrivée. Je demande pour la 1e fois la barrière horaire, on m'annonce 15h de course. Ca va, j'ai de la marge, 6h30, c'est déjà ça.
J'ai encore un minimum de lucidité et surtout des jambes qui arrivent encore à se soulever et retomber sur le sol sans crier douleur à chaque pas.
Je repars donc confiant pour passer la ligne d'arrivée de ce trail. Même si il reste une dernière remontée sévère, le gros morceau est avalé !

15h40: Cervières, 1600m, km59, 4200+, 4500-, 182e. Retour sur un beau sentier roulant descendant dans la pinède, en crête pour une partie, du bonheur. D'autant plus que j'arrive à dérouler à du 9-10 km/h ! Je fais toute la descente derrière un réunionnais puis avec un autre gars dont j'ai oublié l'histoire, mais avec qui je vais parcourir toute la remontée ou presque.

Terrible remontée au col de Gondrons pour retrouver le domaine de Montgenèvre. D'abord dans les bois, 300+ dans un raidard en épingle. A deux, on tient un rythme correct. Enfin des sensations en montée, c'est assez inespéré. C'est sans doute que j'ai réussi à récupérer lors de cette longue descente à l'image de ce que j'avais produit il y a 2 ans à l'UT4M. Ouf, ça sert à quelque chose.
Mais courte illusion, s'ensuit 300+ en alpages, qui n'en finit pas et qui auront raison de moi. La pluie s'en mêle, rien de bien inquiétant puisque le soleil n'est pas loin, ça donne une ambiance électrique et chaotique à l'image de ce trail.
Belle surprise à l'arrivée sur le plateau, dans les dernières épingles, j'aperçois en contre-bas un chasuble bleu sur le dos d'une féminine, qui se rapprochant de plus en plus, se confirme être Nadège.
Je cale pour de bon et repasse en mode escargot, dommage mais c'est comme ça. Et là, ce n'est plus qu'un problème de ventre, mais de jambes... 
Nadège me rattrape et on échange sur la beauté et la difficulté du parcours et des différents abandons du club. Elle fini fort, je ne peux pas la suivre.

17h00: Col de Gondrans, 2300m, km63, 4900+, 4500-. La station est au loin devant nous, les gouttes s'estompent, le soleil revient, mais que dans le ciel.
Il n'y a plus qu'à descendre, mais oups, ça ne veut plus descendre tranquillement. Je me fais une dernière pause pour récupérer de la montée. Mais ça ne repartira plus correctement. 
Autant je me suis efforcé à prendre du plaisir tout le long du parcours, autant cette dernière section est un vrai calvaire, mais qui va se terminer incessamment sous peu, donc de l'émotion.

17h45: Arrivée à Montgenèvre, km67, 5000+, 5000-, 195e/385 arrivants. Au terme d'une dernière remontée dans le village et accompagné par les encouragements, je passe la ligne d'arrivée avec beaucoup d'émotion, de satisfaction d'y être et de m'être donné pour être là, d'avoir surmonté ce trail exigeant avec 35% d'abandons, passé une magnifique journée en montagne, et forcément aussi un peu de déception.

Place à la récup et aux prochaines courses. direction Chamonix en septembre pour les Aiguilles Rouges sur un format presque similaire de 54km et 4100+ mais la différence devrait être notable sur le compteur et les sensations j'espère!
Ensuite, j'avoue, qu'à chaud, une petite revanche perso sur ces championnats l'année prochaine à Méribel le 10-11 aout 2019 sur un parcours plus court de 45km et 3750+ à côté de la maison est tentant !

https://www.strava.com/activities/1704508016
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http://www.trailenbrianconnais.com/championnats-de-france-de-trail-2018/presentation
https://www.trails-endurance.com/actus/trail/championnats-de-france-de-trail-long-2018/
http://www.aiguillesrouges.fr/
https://www.meribel-sport-montagne.com/meribel-trail/