dimanche 20 avril 2014

Trail du Ventoux 2014


Trail du Ventoux

 dimanche 16 mars 2014

47 km , 800+

 5h53mn30s , 73e


Première course de l’année, et un gros morceau pour se mettre en jambe, confirmer la saison dernière et se situer pour l’année qui vient : le Trail du Ventoux, reconnu pour être l’un des trails les plus esthétiques et exigeants. La crème de l’élite française est présente.
Populaire aussi, il affiche complet des mois à l’avance avec 1400 dossards distribués. 2 parcours sont proposés, un 26 km et un 46 km avec la particularité de pouvoir choisir pendant la course au 14
e km.


Idéalement placé dans le calendrier, ce trail ponctue une quinzaine de vacances agrémenté de travaux et naissance strasbourgeoise, de 3j de raid à ski dans le Thabor et de grimpe dans les calanques, le tout sous un soleil printanier. Et c'est beaucoup moins fatiguant que 15j de classe !

Objectif fixé depuis quelques mois, je ne venais pas que pour cueillir les premières jonquilles, mais aussi pour tester un format plus long à la recherche de sensations et de repères.
Je ne m’étais aligné que 2 fois  sur cette distance: au 55km et 1000+ de l’ecotrail de Paris en 2011, 6h d’énergie puisée dans les réserves.
Puis en 2012, au 45 km de la Kilian Classic dans les Pyrénées avec 2000+ et 8h de ballades qui se sont laissés savourer avec une pointe de souffrance à partir de 3h.
Enfin, j’ai deux trails longs derrière moi, les Templiers en 2012 (abondon au 50e pour blessure) et l’année dernière, la 6000d à la Plagne, 60km et 3500+, 5h au top, 5h au plus bas en résistance totale.
En résumé, je ne peux pas vraiment trouver de sérénité dans mes expériences de course, par contre je peux éviter de reproduire certaines erreurs : partir trop vite comme à la 6000d, me surcharger d’entraînement comme à l’eco-trail ou aux Templiers, ou encore mal gérer le déroulement de la course et notamment après les 4h de course comme à la Kilian Classic.

J’ai aussi quelques certitudes qui me permettaient de prendre confiance. D’abord, ma forme du moment qui sans être exceptionnelle est rassurante, avec relativement peu de sorties en course à pied, 2 à 3 par semaine, 27 sorties dont 3 longues uniquement, 340km et 7000+ depuis le début de l’année.
En revanche, niveau montagne, c’est un 2e hiver de ski de rando, fond et alpin avec 37 sorties et 34000m de dénivelé positif depuis le début de saison, quelques courses de 7-8h et 2000m+ très abouties en mode gestion active (Tour des Pics du Merlet, Pic du Villonet, glacier de l’Etendard en début de saison et puis un tour du Tabor (l’autre) par l’oreille du loup et le très beau couloir nord du Trélod) Merci steph pour cette préparation foncière !
Ensuite, il y a les bons résultats de l’année dernière sur des formats plus courts : 20-25 km, 1000-1500+ (Ste Victoire : 12e/250, Connex : 1er podium, Gerbier : 15e/100, Gap’en Cimes : top 100 aux France). Je me sais donc capable d’envoyer sur 2h-2h30 à vive allure. 
L’objectif de cette année est de retrouver ses sensations sur 5h-6h à une allure plus modérée certes mais constante et surtout tenir la gestion et reporter au plus tard possible l’apparition des douleurs...
Enfin, j’aborde ce trail avec un peu de fraicheur après une petite pause hivernale, et dans la continuité d’une certaine progression tant en vitesse qu’en résistance, alors les signaux sont au vert.

Arrivé directement des calanques et d’un dernier affutage spécial caillasse et après un premier barbecue chez l’ami rémi à Aix en Provence, j’arrive le samedi en fin d’après midi accompagné de Cécile à Bédoin. On récupère le dossard, on prend l’atmosphère et on se prépare tout doucement. On retrouve Gaëtan et Amandine avec qui on partagera le dernier repas pasta y basta non pas au resto mais au chaud dans le Mercedes aménagé tip top, merci Philippe !
Après 5jrs de bivouac dans le Berlingo aménagé lui aussi mais en mode un peu plus roots, je dors à peu près correctement même si les boutons de chenilles grattent encore un peu.

Il est 6h, h-2, on se lève pour déjeuner avec Gaëtan, sereinement. Hop, on s’habille, case toilette, et on se dirige tranquillement vers la zone de départ, il est 7h30. On retrouve Mickaël et François, deux autres amis du club d’Echirolles. Petit échauffement, ça répond mais la mécanique est encore un peu rouillée, c’est qu’il est tôt ! Pas de soucis, le départ est prévu pour être prudent, régulier mais bien placé tout de même.
Petit stress d’avant départ, on met 5mn à retrouver Cécile et Amandine qui sont censées récupérer le jogging et la polaire… (Merci à elles pour tous leurs encouragements et leur soutien avant, pendant et après la course !)

Allez, c’est le festival des couleurs, le carnaval des styles, l’ambiance y est très détendue, comme d’hab, il fait déjà 15° et pas mal de vent. Dernier check de départ avec Gaëtan, François et Mickaël, on est en 4-5e ligne, parfait. 5-4-3-2-1, à 3, c’était parti ! Premier obstacle, il y a un portail large de 5m à traverser, autant dire que c’est efficace pour fluidifier la circulation. Ca passe pour nous sans problème. Gaëtan nous quitte et se faufile à grandes enjambées dans les herbes hautes en bord de route. Sagement, on prend notre rythme avec Mickaël sur les 2-3 premiers kilomètres à 12-13 km/h assez roulants mais déjà vallonnés en sous-bois. On compte 150-200 coureurs devant nous.
Partenaire d’entraînement et à peu près au même niveau, c’est notre première course en commun avec Mickaël. Il était donc intéressant de la partager la plus possible avec une « stratégie » commune de gérer la montée et … gérer la descnte! La devise « on ne gagne pas la course à la montée mais on la perd à la descente » est devenue mienne après le fiasco de la 6000D (rappel 4h30 pour monter, 5h30 pour descendre, cherchez l’erreur !!).
Les 10 premiers kilos se passent à merveille, on attaque rapidement le début de la crête qui nous mènera 15km et 1500m de dénivelé plus loin au sommet du Mont Ventoux. On domine de part et d’autre les vallées de Bédoin au sud et de Malaucène au nord, c’est un bon sentier de GR avec plein de cailloux pointus qui demande vigilance et souplesse, je fais d’ailleurs une petite chute sans conséquence en me prenant dans une pierre qui dépassait. Ca se met à marcher dans les premiers hauts pourcents, le rythme et notre position dans le peloton me va très bien, il y a quelques petites relances, mais c’est surtout une bonne mise en jambe et les sensations sont faciles. De toute façon, on ne peut pas doubler, c’est un single, et c’est très bien comme ça. On grimpe ainsi 400m, ça fait 8km, 52mn.

Arrive alors une route forestière légèrement descente sur 1km où je ne peux m’empêcher de dérouler les jambes à 14,5-15 km/h, reprenant quelques coureurs mais j’en garde promis. S’enchaîne une montée sèche, que j’attaque fort et régulier en marchant les mains sur les hanches et les cuisses, ça passe mais le cardio met une alerte, je sens le rouge orangé pas loin, je ralentis juste sous la limite de l’effort intense et disons au seuil de résistance longue, seuil que je commence à connaître de mieux en mieux. La pente se radoucit, je trottine, la pente augmente, je marche rapide, bref je gère ce court moment qui sera révélateur de la suite.

Sur ce rythme un peu plus soutenu que les coureurs à mes côtés, j’entends un « Allez Matthieu » venant de plus haut, personne n’est censé m’attendre à cet endroit, mais c’est en fait l’ami François, autre partenaire de club également à niveau égal, qui est devant moi. Ca m’alerte car d’un côté il fait le petit parcours et donc peut se permettre une allure plus rapide mais d’un autre côté il s’est très peu entraîné ces derniers temps. Je me calme, ça fait plaisir de partager un moment, il semble en forme et je suis bien content pour lui. Je ralentis quand même mon rythme et me cale dans sa foulée jusqu’au premier ravito. Mickael doit être juste derrière. Ca fait 1h24mn, 12,2km, 700m+. Ce qui donne une première partie de course quand même rapide, je pique un peu de chocolat et de pain d’épices, de l’eau et c’est reparti.

J’aborde alors la montée vers le sommet qui s’annonce longue et difficile, les 15km de neige et de vent qui va s’accentuer sans oublier une baisse progressive du froid. La séparation des parcours au 14e km ne me fait pas bouger un sourcil, ma décision était prise et le début de course le confirme, ce sera bien le 46km !

A 1500m d’altitude, on trouve la première route enneigée dans lequel on s’enfonce allégrement de 20-30 cm. Les appuis sont sollicités et l’allure en prend un coup. Jusqu’au somment, la pente ne sera pas excessive, l’organisation a choisi de ne pas monter par les crêtes, sans doute une décision sage quand on voit ce qui nous a attend au sommet.
On trace ainsi la route mythique du Tour de France sur 5 km ! Et là, changement de décor, changement d’atmosphère, changement de course, on remet les compteurs à zéro, on débranche le cerveau et on y va pour une lutte avec les éléments déchaînés de la nature, le VENT, le Soleil, le Froid !
Incroyable, Saisissant, Insolite, une situation loufoque sorti tout droit de l’imaginaire de Tim Burton : un décor de cinéma avec au loin, toute la chaîne des Alpes du Sud, des Ecrins en particulier qui imposent leurs 4000, au près, un sommet arrondi lacunaire sans arbres, des pierres qui survivent aux balais incessants des rafales, un observatoire perché on ne sait comment, des types en shorts qui serpentent, des skieurs perdus sur les pistes rouges et noires du Mont St Serain…
Les conditions sont de pire en pire, à chaque pied levé, on ne sait plus où il va retomber tellement on se fait déporter à chaque foulée. Il vient du Nord, il s’appelle le Mistral, et on est sur le VENTOUX, capito, entiendo, understand !
Concernant la course, j’ai fait une bonne partie seul en plus, j’ai ralenti pour essayer de survivre au mieux, et attaquer la suite avec des réserves. Ca revient de derrière mais ce n’est pas grave. Au contraire, Mickaël revient et on reprend notre cheminement ensemble.

Avant de pouvoir souffler au sommet (hahaha), un dommage collatéral survient dans la dernière épingle, en me retournant, j’ai dit adieu à mes lunettes de soleil qui ont été littéralement propulsés de mon crâne, s’éjectant à 50m en moins de 2sec et disparaissant derrière le petit col…
Je ne sais pas combien de temps cette épisode intemporel a duré, en tout cas, on est là haut avec Mickaël, à 1900m d’altitude, en 2h35 pour 20,5 km, c’est top !

C’est loin d’être terminé, mais quand même je me dis que: ça c’est fait ! Un pti coucou au photographe, une petite barre pour ne pas oublier l’essentiel : Manger, et un regard contemplatif et prolongé au loin. La crête Sud nous attend sur 5 km, pour une première descente.
Les conditions ne changent guère, l’orientation du vent sera dans le dos principalement à présent, ça aide mais ça déporte encore beaucoup, donc il faut être encore très attentif et ça devient de plus en plus compliqué. Les appuis sont très difficiles, on lutte contre le vent, j’essaye de me protéger derrière Mickaël, on allonge la foulée aussi ce qui crée une belle inversion musculaire pour des jambes qui ne comprennent déjà pas ce qui leur arrivent. Au final, je deviens complètement saoul mais heureux et je ne marche vraiment pas droit !
Mais, je sais que c’est bientôt terminé, on va retrouver la forêt et des conditions estivales, mais surtout il y a ma cessou qui m’attend au ravito au Chalet Reynard !
Encore une fois, mes estimations étaient mauvaises : je lui avais dit à partir de 11h45 (3h45 de course). J’y arrive à 11h05 ! Pas de souci, une doudoune violette à la matraque photographique est là, toute belle et ensoleillée. Alors je reprends enfin une bonne respiration, c’est l’heure de la pause. 5 mn de debrief pour reprendre ses esprits et apprécier comme il se doit la beauté de cette épopée.

  La 2e partie de course commence vraiment : comme dirait notre ami coach Rémy : « C’est une descente qui monte ! » . Il reste plus de 20km, avec 800+ et 2000-.
Les premières sensations ne sont pas terribles, je m’accroche péniblement à Mickael, une chute dans la neige par-dessus, des pieds qui glissent dans la chaussure et une cloque qui annonce la douleur. On sort définitivement de la neige par une piste assez large et pentue sur plusieurs dizaines de mètres, on enlève la veste, on se met à l’aise. Les moultes muscles et tendons jambonesques sont alors immédiatement sollicités, et ça fait mal.
Il s’agit de prendre le rythme de descente, ça sert à rien de relancer maintenant, on est bien trop loin, il s’agit de contrôler ce moment de transition. On retrouve des petits sentiers de GR en sous-bois et on commencer la longue traversée sur le flanc sud du Ventoux en sous-bois, assez rocailleux et au profil varié de petites montées, descentes et relances. Ca redevient donc vite très agréable et le sourire revient sur le visage et dans le corps. On reste en duo en gestion.

Le deuxième ravito solide pointe le bout de son nez, au 31e km, 4h de route. Sur ce dernier tronçon, c’était 230m de montée et 500m de descente pour 6km et une vitesse moyenne de 7,5 km/h. Je prends 3-4 mn avant de repartir. Pause pipi en sus. Je repars serein, le moral au beau fixe, avec des douleurs maîtrisées, la cloque s’est calmée. Je suis prêt à attaquer les 15 derniers kilos avec 500+ et 1300- sur des sentiers escarpés en mode « montagnes russes » comme le souligne Michel Lanne (2e).

A la sortie, Mickael est parti 2mn plus tôt, de nouvelles têtes de coureurs venus de derrière sont apparues, et on m’annonce une 102e place au détour d’une rivière ! Qu’en penser ? Du positif, et puis c’est tout, l’heure n’est plus au calcul en fait. Enfin, à la montre, il est censé reste 15 bornes, à 10km/h, ça fait 1h30 et donc un total de 5h30, oula ce serait super, et ça laisse de la marge pour la barre des 6h… bref, c’est confus, j’arrête de regarder… pour un moment.

Comme prévu à la pause, la stratégie se déploie alors, faire à présent l’effort, déjà revenir Mickael doucement mais surement, enchaîner les côtes en marche rapide à petits pas, des relances correctes sur les parties plates, et assurer des enjambées franches en marquant bien les appuis en descente. Et ça fonctionne pas mal, je reprends un par une dizaine de coureurs, c’est bon pour le moral, puis Mickael, je me sens alors encore frais pour poursuivre mon rythme alors je passe devant. Je sais qu’il sort d’une course aux Templiers assortis de crampes à répétition et qu’il ne souhaite pas augmenter le rythme, donc je pars seul, concentré et sur-motivé à terminer correctement ce trail.
Les paysages sont toujours somptueux, on se faufile dans la végétation méditerranéenne, entre pinèdes et soleil, on domine la vallée du Rhône et Bédoin au loin.

La traversée se termine, j'ai levé le pied en rattrapant un dernier coureur que je ne doublerai finalement jamais. Dernier point eau où je retrouve l'ami grenoblois du départ, on repart ensemble mais il ne suit pas.
Grosse descente technique de 200m- en moins d'1 km, sans prise de risque en assurant les appuis et en limitant au maximum les chocs, pas évident, mais pas de casse à l'horizon. Puis longue descente sur 3-4 km dans la combe de Malaval. Seul au monde dans toute cette portion, je ne croise ni un coureur ni un spectateur, je me crois perdu plusieurs fois, le sens de l'orientation n'est plus vraiment efficace après 5h de course. Même si le balisage est excellent, il suffit d'une fois, d'une intersection pour que ce soit bien la m...
Mais pas de souci, je suis le chemin, l'altitude descend, les températures montent, on est dans un sous-bois ombragé et même assez humide avec quelques grottes traversées.
J'ai repris un rythme de course correct, ce qui m’en-joie à quelques instants de l'arrivée, çà déroule à peu près, à quelques raideurs près. Les petits passages plus techniques permettent de baisser l'allure ce qui est profitable également. Dans l'esprit, je me sens donc plus proche à rattraper des coureurs que le contraire, mais rien ne change jusqu'à la sortie de la forêt.

C'était bien sympathique et bucolique cette promenade dans la forêt mais il serait quand même temps d'entrevoir l'arrivée. A la sortie, c'est la grosse chaleur avec toujours du vent mais rien à voir avec ce qui se passait là-haut. Je retrouve de la civilisation mais aussi à 200m un coureur ! Je lis alors sur un panneau ign  « bédoin : 2,5 km », ça sent quand même bon cette histoire, 15mn et c'est réglé !
Je garde dans l'idée que le 46 serait plutôt un 48. A la montre, j'en suis à 43,5km, et donc disons 4km et 25mn encore ! La sortie de la forêt n'est donc pas l'arrivée, d'ailleurs, je n'aperçois aucune ville, ni clocher au loin, alors que Bedoin me semblait un peu perché.
Bref je cours sur du plat, ça va bien, sauf que je vois le coureur de devant tourner à droit dans un champ et monter dré dans le pentu, mais où va-t-il ?! Bien entendu, ce sont les dernières surprises de l'organisation, ces derniers kilos seront parsemés de derniers changements de rythmes. Je conserve la même stratégie de course.
Je double 6 ou 8 marcheurs qui ont abandonné l'idée de courir, sans doute épuisé et découragé de cette fin de parcours, je suis alors de plus en plus content de ma gestion qui même si ça tape dans les jambes me permet de finir en courant ce trail !

Je reconnais les premiers kilos de la course, c'est bon, c'est bon, l'affluence augmente, tout en restant ambiance village et limite course saucisson, mais c'est ça qui est bon, il reste 500m, dernier petit détour dans les bois, je l'avais repéré donc ça va, et puis hop, je passe le portail, j'entre dans le domaine et je suis seul sur la ligne d'arrivée, bondé à droite et à gauche d'encouragements, j'y suis, je suis arrivé avec une satisfaction énorme, je boue à l'intérieur, je lève la tête, je vois le Ventoux, je le salue. Un mélange d'émotion donc, mais aussi de fatigue soudaine, les nerfs lâchent sans m'effondrer non plus mais oui, je viens de réaliser la plus belle course de ma vie.
Mickael est 5'mn derrière, Gaeten 30' devant. Bravo à eux.

Le profil en orange, la vitesse de course en blanc (échelle à droite): on voit bien les changements de rythme !

Une Vidéo Salomon où je suis en pleine action à 2'30''


Le reportage de Sport +: 13'